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Patrimoine

François Schuiten, prince de la BD

L'auteur des «Cités obscures» a reçu le grand prix 2002 au salon d'Angoulême.

Belles et froides, étranges jusqu'à l'inquiétude, à la fois futuristes et rétro, les "Cités obscures" ont rallié tous les suffrages avec le sacre de leur créateur François Schuiten, Grand prix 2002 du festival international de BD d'Angoulême. Elu samedi par ses pairs, tous ceux qui furent Grand prix depuis les débuts, en 1974, du plus ancien et du plus important festival dédié au neuvième art, François Schuiten succède à Martin Veyron, Grand prix 2001. Il présidera aux festivités 2003 qui marqueront le 30e anniversaire du FIBD. Né il y a 45 ans à Bruxelles, le dessinateur des "Cités" a vu le jour dans une famille d'architectes mais a préféré être bâtisseur d'imaginaire et rêveur de mondes. A 16 ans, il publiait ses premières planches dans l'édition belge de Pilote avant d'intégrer l'Institut Saint-Luc, célèbre école de BD bruxelloise. En 1978, avec son frère Luc au scénario, il élaborait le cycle des "Terres creuses" (trois albums faisant déjà surgir des mondes parallèles), et en 1982, il rencontrait Benoît Peeters. Commençait alors une longue et féconde collaboration et un voyage en utopie.

Depuis "Les murailles de Samaris", "La fièvre d'Urbicande", "La tour", "L'archiviste", "La route d'Armilia", "Brüsel"... et jusqu'à "L'ombre d'un homme", le dernier album paru en 1999, ce sont dix livres faisant surgir ces "Cités obscures", véritables héroïnes de leur saga, villes vivantes, dévoreuses d'hommes dont les habitants ne sont que fourmis s'agitant dans leur ombre, conditionnés par leur environnement même s'ils croient le maîtriser. Noir et blanc très "architecturé" ou couleurs vibrantes, les villes de Schuiten et Peeters sont un mélange de futurisme aux formes épurées et du chantournement des volutes ouvragées du style Art nouveau. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard car le monde parallèle --avec passerelles entre un Brüsel ou un Pahrys de papier et deux capitales bien connues-- créé par les deux complices fait référence, hommage réitéré même, à l'univers de Jules Verne. Ils ont même "inventé" un personnage récurrent, journaliste à "L'Echo des Cités" qui n'est autre que Michel Ardan, celui que Jules Verne envoya visiter la lune. Parallèlement à la série proprement dite, Schuiten et Peeters ont réalisé deux ouvrages permettant de mieux pénétrer au coeur de leur univers alternatif: "Le guide des Cités" et "L'Echo des Cités", l'un est un "vrai-faux" guide touristique et culturel, l'autre un "vrai-faux" fac-similé du journal, très hagiographique pour les puissants, publié à travers les Cités. François Schuiten, outre son parcours d'auteur de BD, a réalisé des sculptures, de nombreuses illustrations ainsi que des décors de films et de pièces de théâtre. Il a joué sur l'éphémère, avec la décoration de pavillons pour les Expositions internationales de Séville et de Hanovre. Il a joué aussi sur la permanence, avec la déco des stations de métro Porte de Hal à Bruxelles et Arts-et-Métiers à Paris. Il est enfin l'auteur d'un ouvrage en hommage à Victor Horta, l'architecte bruxellois Art Nouveau, contemporain des Français Baltard et de Guimard.

Par Marie-Pierre LARRIVE

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  AFP
29.01.2002