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Expositions

Panneau décoratif provenant
de la pâtisserie Flammang

(détail), Paris, 1830-50, Paris,
musée Carnavalet
© DR / Photothèque des musées
de la ville de Paris

Le Paris gourmand de Brillat Savarin

Le musée d'Orsay retrace un siècle d'évolution alimentaire : de l'invention de la conserve par Appert à l'apparition du guide Michelin.

L’exposition du musée d’Orsay commence là où s’arrête celle de la bibliothèque de l’Arsenal... 1800 et les critiques gastronomiques de l’un des initiateurs du genre, Grimod de La Reynière. Loin des repas médiévaux pris à même le tranchoir et des grands festins classiques, on assiste ici à l’élaboration de l’alimentation moderne. Car, si le 19e siècle n’innove pas par l’introduction de nouvelles denrées, il voit l’amélioration de leur diffusion et de leur transformation. En 1795, l’invention de la conserve par Nicolas Appert révolutionne la consommation de produits frais et suscite le lyrisme de La Reynière « Au moyen de cette précieuse découverte, on naturalise le printemps et l’été au milieu du plus rigoureux hiver »… De plus, le développement des transports ferroviaires et maritimes permet la vulgarisation de denrées venues des quatre coins de la France ou des colonies. Dès 1850, les bananes et les agrumes rejoignent sur les tables bourgeoises les huîtres qui arrivent des côtes par wagons entiers. Mais toutes ces évolutions ne vont pas sans heurts. Elles suscitent les premières « psychoses » alimentaires symbolisées par une affiche A bas l’intermédiaire de Pal, injonction aux consommateurs de se fournir auprès des producteurs pour éviter les falsifications, les vins « mouillés » à l’eau et teintés.


Menu du dîner du 16 mai 1898,
Restaurant Lucas, Paris,
Bibliothèque historique de la ville de Paris
© Photo: Musée d'Orsay, Patrice Schmidt
Du point de vue des habitudes alimentaires, de nombreuses évolutions rapprochent aussi du 20e siècle. Le service à la française fait place au service à la russe selon lequel l’ensemble des dîneurs dégustent le même plat au même moment. Les horaires des repas se fixent aux heures actuelles… Mais le plus fascinant est sans doute de voir apparaître une géographie parisienne de la gastronomie. Des quartiers se dessinent avec les halles de Baltard, ce Ventre de Paris où affluent les marchandises, ou plus à l’ouest, le Palais-Royal où sont réunies les enseignes de l’épicerie fine et de la restauration de luxe du Second Empire. Parallèlement, les différents types de restauration moderne se fixent, bien distincts des auberges ou des tables d’hôte antérieurs par leurs cartes, leurs additions ou leurs services sans horaire fixe. Depuis lors, ils ont fait plus ou moins de chemin... Et si les bouillons, ces modestes restaurants où les « bonnes » en robes noires et tabliers blancs servant des plats à base de bœuf dans leur bouillon à des tables communes n’existent plus, la vénérable Tour d’argent a continué sur la lancée impulsée en 1890 par Frédéric Delair et son « caneton de la Tour d’argent ».


 Zoé Blumenfeld
04.12.2001