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Expositions

Des photographes en voie de disparition

Les minuteros ont nourri depuis plus de 100 ans des millions d’albums photos sur tous les continents.


© La Galerie Photo
Selon le commissaire de l’exposition, Roland Laboye, qui est également le directeur de la galerie Photo, il s’agit «d’une exposition certes modeste, mais pouvant se targuer d’être une première mondiale». En effet, jusqu’à ce jour aucun événement n’a été consacrée à ces « photographes populaires » appelés minuteros (venant de l’espagnol minuto , minute) qui croquaient le peuple dans la rue. Dotés de matériels astucieux et d’un tour de main hors paire, ils devaient fournir au client sa photo (dont les dimensions n’excédaient pas 10 cm/15 cm) dans l’instant qui suivait la prise de vue. On trouvait et l’on trouve encore actuellement ces photographes ambulants avec leur laboratoire portatif dans les lieux de rassemblement tels que les marchés, les foires ou encore postés devant les monuments célèbres.

Apparue vers la fin du 19e siècle avec le «ferrotype » (procédé chimique pour obtenir une image rapidement), cette technique n’a presque pas évolué. Comme l’explique Roland Laboye, le système est très simple : le photographe se dotait d’un appareil en bois, souvent fabriqué par ses soins, à l’intérieur duquel des compartiments accueillaient deux petits bacs plats, un pour le révélateur, l’autre pour le fixateur. Il s’agit d’une prise de vue classique, développée et fixée dans l’appareil puis sortie au jour et rincée. La photo obtenue est un négatif papier, reprographié à son tour et qui passera lui aussi à travers les deux bacs magiques cachés à l’intérieur de la boîte. Peu de temps après le client obtient sa photo : un négatif du négatif.


© Jean-Philippe Charbonnier
Après dix années d’investigations, Roland Laboye finit par dénicher l’oiseau rare : Santiago Nicolas Nunes, ancien minutero et détenteur d’une collection constituée de négatifs et de photos de minuteros. L’exposition présente au public environ 200 photographies classées par thème et issues de la collection de Nunes : on trouve des photos de couples, d’amis, de groupes, de militaires, de familles… La seconde partie est consacrée aux appareils utilisés par les minuteros. Prêtés par des collectionneurs français et suisses, ils sont constitués pour une grande part d’appareils bricolés, mettant en avant le niveau élevé d’ingéniosité dont faisaient preuve ces croqueurs de portraits. Pour clore l’exposition, 27 portraits de minuteros en pleine action. Pris sur le vif par Santiago Nicolas Nunes, ils sont originaires du Koweit, d’Afrique, d’Inde, de Chine, et d’Amérique Latine… Plantés devant une toile de fond neutre ou au décor en trompe-l’œil, ils se font photographier à leur tour. Encore en activité dans certains pays du sud, ils ont fait leur réapparition en Afghanistan dans les villes libérées du joug des Talibans après avoir été victimes de représailles pour non respect de l’iconoclasme.


 Souad Hali
05.12.2001