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Expositions

Avec les apprentis ethnologues de la Korrigane

Le Musée de l'Homme invite à suivre le parcours d'un ancien morutier à travers les îles d'Océanie.


Les membres de l’expédition
à bord de la Korrigane
La muséographie de la nouvelle exposition du Musée de l’Homme est évocatrice. Pour restituer l’odyssée de la Korrigane, cet ancien terra-neuvas appareillé en 1934 par cinq jeunes Français épris de grands espaces, on nous fait pénétrer dans une coque de navire. Entre les parois incurvées de bois clair, quelques malles portant les noms évocateurs des régions traversées et des objets-clés comme un grand masque-heaume des îles Vanuatu en fougère arborescente peint avec des pigments de couleurs vives. Et de part et d’autre, des ouvertures sur les huit grandes escales de ce voyage de la Polynésie à la Nouvelle-Guinée…


Crâne d’ancêtre et monnaie de plumes
Santa Cruz, Salomon
Parmi ces 200 objets des collections du Musée de l’Homme et du musée des arts d’Afrique et d’Océanie, les formes les plus connues de l’art océanien ont bien sûr leur place. Les figures anthropomorphes de tiki sont les emblèmes des Marquises. Les îles Fidji sont représentées par des tapas, ces grandes pièces d’écorces de liber humides battues sur des rondins servant d’enclume. On retrouve même les crânes surmodelés de Nouvelle-Guinée avec lesquelles l’exposition « Et la mort n’en saura rien » nous avait familiarisé. Mais on découvre également de nombreux autres objets domestiques ou rituels méconnus. Ainsi, des monnaies de plumes rouges des îles Santa Cruz dont les dessins de Régine van den Broek illustrent les techniques d’assemblage sur de petites plaquettes puis sur de longues bandes en fibres végétales.


Régine van den Broek,
Dessin de crânes d’ancêtres
et de monnaies de plumes

Santa Cruz, Salomon
Car c’est bien l’originalité de cette exposition. En plus de dresser un panorama de l’art océanien, elle illustre le basculement d’une anthropologie de cabinet à une ethnographie de terrain. Bien sûr, les « Korrigans », comme ils s’appellent eux-même, ne sont pas des ethnologues. On est encore loin de la professionnalisation de la mission Dakar-Djibouti. Mais ils ne sont pas non plus de simples aventuriers ou des naturalistes rêvant de parcourir le monde pour en rapporter mille et une merveilles. Avant leur départ, ils sont entrés en contact avec le musée d’ethnographie du Trocadéro dirigé par Paul Rivet et Georges-Henri Rivière et ils ont acquis leur soutien. 2000 œuvres seront documentées avec force croquis, fiches descriptives et photographies puis acheminées vers la France aux frais du Museum. Autant de pièces qui seront présentées à l’exposition inaugurale du Musée de l’Homme en 1938... Un retour sur l’histoire de l’institution à l’heure où l’incertitude sur son avenir ne semble pas devoir se dissiper.


 Zoé Blumenfeld
10.12.2001