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Musées

L'esprit Manufrance ressuscite

Après deux années de travaux, le musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne ouvre ses portes au public. Il fait revivre la mémoire manufacturière de la capitale du Forez.


Façade du musée
© Photo : Christian Bruchet
Surnommée «capitale du travail» au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Saint-Etienne cultive sa tradition industrielle depuis plus de cent ans. De la confection des rubans à la Manufacture nationale d’armes, la ville défend aujourd’hui un patrimoine longtemps négligé. Si, en se promenant dans les rues de la ville, on continue à y percevoir l'empreinte qu'y a laissée l’industrie, il faut se rendre au musée pour en mieux comprendre l’évolution. «Ce musée est très attendu, c'est le passé de chacun» explique le maire, Michel Thiollet. «Plus qu'une opération scientifique et urbaine, c'est un véritable redémarrage ». Le musée se veut le lieu de conservation de ce passé créatif, tout en restant ouvert sur l'actualité. Le défi de restaurer ce bâtiment du 19e siècle a été confié à Jean-Michel Wilmotte, architecte, urbaniste et designer qui compte déjà à son actif le bâtiment des Sessions au Louvre, le musée du Chiado à Lisbonne ou encore le musée des beaux-arts de Lyon. C'est avec un budget de 69 millions de francs, que le maître d'œuvre a travaillé : création d'une extension à l'arrière du bâtiment, amélioration de la circulation verticale et aménagement des sous-sols. «Un budget spartiate qui nous a aidés à rester simples et à donner ainsi plus de naturel au projet» explique l'architecte. «L'enchevêtrement des arcatures entre selon moi en parfaite adéquation avec les cycles exposés à cet endroit. Je souhaitais une muséographie simple, didactique et surtout accessible. Grâce à une présentation dépouillée, les objets viennent vers le visiteur.»


Les circulations verticales
© Musée d'art et d'industrie
de Saint-Etienne
En voulant «faire passer les objets usuels à la postérité», Jean-Michel Wilmotte a conçu la muséographie du lieu en fonction de la collection permanente. Au sous-sol, dans des salles voûtées, en brique rouge, la première collection publique française de cycles offre un panorama complet de l'évolution de cette pratique sportive depuis le Monocycle de Brescia du milieu du 18e siècle jusqu'aux vélos de compétition de notre époque. Les curieux ne manqueront pas de s'émerveiller devant les divers dérailleurs présentés en vitrines. «Dès 1993, nous envisagions d'intégrer le multimédia dans le parcours muséal» commente Nadine Besse, conservateur. C'est chose faite. Des bornes interactives équipées d'écrans tactiles rythment la visite et donnent accès aux collections via des banques de données. Le visiteur peut aborder, selon sa volonté, des sujets comme la genése du dérailleur, ou encore s'exercer à la construction d'un vélo de manière ludique. Dans les étages supérieurs, les 532 armes exposées rappellent l'importance de la manufacture stéphanoise qui a légué au musée 3000 pièces de grande valeur. Entre les canons de campagne bavarois du 17e siècle et le fusil de chasse à silex de Louis XIV, la présentation s'efforce de mettre en parallèle les armes civiles et militaires. Le visiteur déambule entre les grandes vitrines de présentation, s'arrêtant ici devant une plaque de jurande et là devant le pistolet des mousquetaires. Une salle reconstitue la cannonerie traditionnelle et l'atelier de fabrication, rien n'y manque : des copeaux de bois à la blouse bleue en passant par le registre et la photo de pin-up.


Salle voûtée en briques
© Photo : Christian Bruchet
La première collection mondiale de rubans trouve également une place d’honneur dans la musée, sous l’œil attentif des présidents de la Chambre de commerce dont les portraits ornent la pièce. Toute l’évolution de la fabrication y est présentée, des étuves aux métiers à tisser en passant par les échantillons. De la mezzanine qui surplombe les métiers à tisser, le visiteur pourra à loisir s’émerveiller devant le fonctionnement de ces machines monumentales régies par de simples cartons perforés. Ce sont les parole de monsieur Guyot, propriétaire d’un métier à tisser les rubans de velours, qui résument peut-être le mieux la finalité du musée : «Ca me fait plaisir de le voir là. Autrement, il aurait été démoli…»


 Stéphanie Magalhaes
10.12.2001