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Aude Cordonnier (musée des beaux-arts de Dunkerque)

Le musée des beaux-arts de Dunkerque a présenté sa plus récente acquisition, une œuvre du maître flamand Abraham Janssens, Noli me tangere.


Abraham Janssens, Noli me tangere,
après 1620 © Musée des beaux-arts de
Dunkerque
Le tableau représente un épisode tiré des évangiles de Marc et Jean. Il s’agit de l’apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine sous la forme d’un jardinier. Les deux personnages sont au premier plan. Marie-Madeleine porte un vêtement riche aux couleurs chatoyantes. Le Christ porte un large chapeau et tient une bêche. Entre les personnages se trouve une nature morte. À l’arrière-plan, est décrit un paysage doux et apaisant… Il y a un fort contraste entre les couleurs des personnages et celles du paysage. La description très réaliste des personnages est tout à fait caractéristique de la peinture du Nord. La nature morte abondante en fruits et légumes apporte une symbolique complexe. Sa situation dans un jardin est un peu paradoxale. Elle se rapporte à Marie-Madeleine, ancienne pécheresse, et symbolise probablement la luxure. Un rapprochement du même esprit a été trouvé dans une œuvre d'un autre flamand du 17e siècle, David Ryckaert III, représentant une Madeleine repentie, elle aussi au côté d’une nature morte. Pour ma part, je le lis comme un magnifique moment de peinture.

Il s’agit d’une œuvre réalisée à plusieurs mains. Les personnages ont été peints par Janssens, le paysage par Jan Wildens et la nature morte serait d’Adrian van Utrecht. Le tableau est en parfait état de conservation. Sa facture est exceptionnelle. Janssens est un des grands maîtres de la peinture flamande. Il évolue autour de Rubens, mais il marque un intérêt pour la psychologie des personnages. Cette œuvre témoigne, toutefois, d’un courant classicisant par le calme qui en émane.

On trouve des traces de l’origine de l’œuvre peu après la mort de Janssens. Dans un inventaire suivant le décès de son épouse en 1644, il est porté la mention suivante : «Une grande toile : Notre Seigneur dans le Jardin». Noli me tangere a été acquise chez un galeriste. Dans les années 80, le musée avait lancé une politique d’acquisition s’orientant plutôt vers la peinture française des 17e et 18e siècles. Depuis, le musée n’avait pas eu d’ambition de cette envergure. Nous souhaitons reprendre cette stratégie autour d’œuvres phares qui viendront éclairer et mettre en valeur les lignes fortes de nos collections, parmi lesquelles la peinture flamande du 17e siècle.


 Laure Desthieux
11.04.2002