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Dans l'optique des maîtres anciens

Un colloque à New-York se penche sur la thèse de David Hockney : les peintres du passé utilisaient-ils des instruments sophistiqués pour rendre la perspective ?

David Hockney a-t-il cessé de peindre ? L’artiste britannique, suivant une démarche fréquente dans le passé, mais tombée en désuétude dans l’art contemporain, se penche sur la technique de ses prédécesseurs. Les conclusions de Hockney ont été publiées dans un livre séduisant, dont nous avons rendu compte. Elles divisent le monde académique. C’est donc avec une grande curiosité que l’on attend la preuve du feu. Elle aura lieu aujourd’hui et demain à New York dans un colloque auquel participent des historiens et des scientifiques, spécialistes de l’optique.

Des spécialistes de l’optique ? Oui car cette discipline est centrale au postulat. Hockney soutient que les peintres, pour rendre la réalité, ont utilisé pendant des siècles des instruments d’optique. Cette pratique, loin d’être occasionnelle, comme le soutiennent généralement les historiens, aurait eu un caractère systématique. Hockney a tenté lui-même d’utiliser la camera oscura et la camera lucida. Le rendu des tentures chez Lotto ou chez Holbein, qui laisse parfois apparaître du flou – ce que fait un appareil à lentilles mais pas l’œil humain - fournit l’un des arguments-clés de la démonstration.

Avec l’invention de la photographie, les peintres auraient abandonné la transcription fidèle de la réalité et seraient revenus à l’imprécision : impressionnisme, cubisme, etc. Hockney a un allié en la présence de Charles Falco, professeur d’optique à l’université de l’Arizona, avec qui il a longuement correspondu. Mais on peut s’attendre à une joute serrée avec les contradicteurs, menés par Gary Liedtke, du Metropolitan Museum de New York. Peu importe au fond le résultat des débats. En tout état de cause, ils sont passionnants car motivés par un désir de connaissance et d’exploration. En s’usant les yeux sur la camera lucida qu’il s’est construite, Hockney fait penser à Léonard étudiant l’anatomie sur les cadavres. Loin de nos interrogations sur le sens de l’art ou sur les tendances du marché, un bon et vivifiant goût de Renaissance…


 Rafael Pic
01.12.2001