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Expositions

Paris © Françoise Monnin

Un style immuable

Le temps d'une exposition, l'Espace Taylor s'anime aux couleurs de l'art naïf.

« C'est complètement dingue parce que c'est complètement faux : croyez-vous vraiment que les fontaines de la Place des Vosges sont comme ça ? Quand je les peins, on dirait des champignons ! », s'exclame Anne-Marie Sabatier, en désignant l'une de ses dernières toiles. C'est vrai, sur chacune d'entre elles, chaque forme paraît naturelle et dynamique. Tout pétille et tout s'envole. C'est plein de fanions, de montgolfières, de banderoles, d'hélicoptères lâchant des tracts, de pigeons, de jupettes et de couettes. Des pompiers, juchés sur une grande échelle pour dénicher un matou, aux garçons de café, perdant leurs plateaux en faisant la course, tout est aussi frais qu'un joli souvenir d'enfance. Les sujets? Des scènes de rues et de places parisiennes, de ports méditerranéens, de canaux à écluses ; beaucoup de petits commerces aux vitrines et aux vendeurs soignés, aussi ; tout ce que voit l'artiste, et qu'elle reconstruit ensuite avec une minutie invraisemblable. Partout, elle ajoute des personnages qui flânent et rêvent tendrement. Autodidacte, elle, qui a beaucoup voyagé et exercé de nombreux métiers avant de choisir la peinture, doit peut-être la limpidité de ses couleurs au souvenir des motifs que sa mère dessinait, pour les grands couturiers Jacques Fath ou Poiret.


Canal du midi © Françoise Monnin
Parfois, les symétries parfaites des espaces et la répétition des motifs architecturaux représentés provoquent une troublante étrangeté ; donnent à l'ensemble un rythme quasiment mystique, qui n'est pas sans évoquer celui de certains motifs chamaniques ou de quelques chefs-d'œuvre de l'art brut. Pas étonnant que le pape du surréalisme, l'écrivain André Breton, ait été aussi intéressé par l'art naïf que par toutes les manifestations de l'inconscient ! Indémodable, la bonne peinture naïve - dont font partie les toiles d'Anne-Marie Sabatier - procure un plaisir sûr, que nous aurions bien tort de bouder.


 Françoise Monnin
04.12.2001