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Alger couleur sépia

Loin des violences et des catastrophes naturelles qui la touchent actuellement, c'est une ville étrangement paisible qui revit à travers ces images du 19e siècle.

Page après page se révèlent le mystère et la beauté d’une ville mythique, celle qui a marqué Camus ou Genet. Le récit de Malek Alloula, à la première personne, emmène le lecteur de la Casbah à la place de l’Opéra en décrivant les ambiances, les sensations, les rencontres. On y découvre les belles dames du temps jadis, divinement parées, le Sphinx, qui fut le plus grand bordel de la ville et ces maisons traditionnelles dotées de patio à ciel ouvert, les ouast ad-dar. La poésie des textes s'harmonise avec les citations de Julien Gracq, tirées de La forme d’une ville, qui traduisent l’impact d’un lieu sur l’écrivain. De courtes biographies des photographes donnent des éléments essentiels pour mieux appréhender les clichés. On apprend ainsi que le portrait d’Abd-el-Kader par Louis-Jean Delton a été réalisé à Paris lors de la visite de l’émir en 1865.

Du daguerréotype à la vue panoramique, les photographies sont rassemblées dans un portfolio qui fait suite à ces souvenirs. Ville portuaire, Alger décline ici toute son activité. Le balancement des bateaux laisse sur la pellicule des ombres floues. Plus loin, un pêcheur sert de premier plan à une vue générale de la ville. Du daguerréotype de Delemotte en 1850, dont les couleurs témoignent du passage du temps, au Jardin d’essai : allée de Palmiers d’Alexandre Leroux en 1890, la visite passe du noir et blanc aux teintes sépia. Les escaliers du Café des Platanes invitent à découvrir l’architecture mauresque, le patio du musée d’Alger sert d’écrin à des sculptures grecques et romaines, l’intérieur de la Grande Mosquée et son enfilade d’arcades en ogives rappellent les architectures mystérieuses de Piranèse.

Mais Alger, c’est aussi la colonisation et l’architecture occidentale : le boulevard de la République, la place du Gouvernement, la statue du duc d’Orléans. Les dentelles de pierre de la rue de la Marine n’ont rien à envier à celles du Théâtre impérial. Des bâtiments massifs, des lignes droites, des façades scandées de corniches et ornées de statues ou de mascarons affirment l’éclectisme architectural de la ville. Les portraits sont rassemblés à la fin de l’ouvrage, Mauresque d’Alger, Couple, Monseigneur Pavie, évêque d’Alger. Puis, c'est la conclusion vers les grands espaces : les perspectives de palmiers, les bambous alignés comme à la parade, la campagne algéroise, et comme une odeur d'iode qui vous envahit à la vue de la Méditerranée…




 Stéphanie Magalhaes
15.12.2001