Des parures pour la femme girafe

Créée le 23 décembre 1983, la fondation Salvador-Dali a été fondée à la demande expresse de l’artiste au château de Pubol. Son objectif est de promouvoir et de diffuser les œuvres du maître surréaliste espagnol. Dirigée par l’artiste jusqu’à sa mort en 1989, la fondation trouve en Ramon Boixados i Malé un nouveau président. Trois musées naissent de cette activité, l’un basé à Pubol, l’autre à Portiligat et enfin un dernier à Figueres, inauguré en 1974 sur les vestiges de l’ancien théâtre de la ville. Dali lui-même a participé à la conception du lieu, voulant donner au visiteur une véritable expérience de son art. On peut y admirer Port Alguer, l’autoportrait mou avec lard grillé de 1941 et bien d’autres œuvres traversant la carrière de l’artiste du début du siècle à 1989. Le théâtre-musée Dali se compose de différentes salles à thème comme le Palais du vent ou la salle Mae West, mais aussi d’œuvres créées spécifiquement pour le lieu : Le monument à Francesc Pujols et La cadillac pluvieuse. Les bijoux réalisés par Dali entre 1941 et 1958 et financés par la Fondation américaine Catherwood - Bryan Mawr ont été achetés en 1958 par la Fondation Owen Cheatham. Après être passées entre les mains de divers institutions, d’un magnat d’Arabie Saoudite, c'est à la collection Masao Nangaku que la Fondation Gala-Salvador Dali rachète les précieuses pièces en juin 1999.

Une telle collection ne pouvait qu’impliquer un projet de réaménagement des locaux. Le choix de la muséographie revient à l’architecte Oscar Tusquets. Le président de la fondation nous en explique les raisons : « Tusquets est un artiste international connu pour ses qualités d’architecte ( la rénovation du Palais de la musique à Barcelone, le pavillon Tusquets au Parc de la Villette à Paris, l’ensemble résidentiel de Fukuoka-Kashii au Japon, etc... ) et son talent de dessinateur. Tusquets fait la connaissance de Dali à Cadaqués dans les années 60, alors que cette station balnéaire rassemble intellectuels et artistes. Entre les deux hommes s’installe rapidement une amitié basée sur des affinités artistiques. À l’admiration succède la collaboration professionnelle : en 1972, le canapé inspiré des lèvres de Mae West, en 1974, la salle consacrée à son égérie. ». En reprenant l’idée de Dali de créer une grotte pour servir d’écrin à ces bijoux digne d'être portés par une icône comme la Femme girafe, l’architecte transforme les salles anciennement réservées à l’exposition des acquisitions, en un parcours sombre, aménagé dans un bâtiment annexe au Théâtre-Musée. On y accède ainsi par une entrée indépendante. Tout est fait pour éviter que la lumière ne pénètre dans l’espace d’exposition, comme en témoigne l’opacité de la porte giratoire du rez-de-chaussée.

La muséographie reflète la volonté de l'artiste de mettre en valeur certaines pièces comme Le calice de la vie et Le cœur royal qui occupent une salle entière. Toutes les œuvres exposées sont présentées dans des prismes de verre de dimensions variables. Un effort particulier a été fait au niveau de l’éclairage pour valoriser les pierres de différentes couleurs. Les dessins préparatoires aux bijoux reposent derrière des fenêtres en métal poli et verni. Selon Tusquets, « L’exposition doit être visitée lentement, en prenant son temps, car les pièces sont petites et le travail prodigieux, détaillé et très élaboré. Le projet a coûté la somme de 125 millions de pesetas, soit 751 000 €, « financé entièrement par les ressources de la fondation » aux dires du président qui espère bien que ce réaménagement attirera autant les visiteurs que les autres musées qui comptabilisent environ un million d’entrées par an.