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Musées

Emmanuel Bréon, conservateur du musée des Années 30

Meuble symbolique, la desserte dite Meuble au char symbolise la créativité et l'originalité de Ruhlmann.


Desserte dite Meuble au char,
ébène de Macassar, amarante et ivoire, 1922,
collection du musée du Louvre © photo : Philippe Fuzeau
Ce meuble à trois vantaux, destiné à être appuyé contre un mur, marque une rupture avec les années Art nouveau. On en connaît huit exemplaires. Celui-ci est conservé dans les réserves du musée du Louvre. Il en existe un second qui se trouve dans les réserves d’une autre collection publique, au musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Ces deux dessertes n’ont jamais été montrées au public. Ce corps de meuble de taille imposante (1m09 de largeur, 2m28 de longueur et 50 cm de profondeur) est monté sur six pieds très fins dits «en fuseaux» dont Ruhlmann est l’inventeur. Ils se caractérisent par leur aspect droit, classique. Ce style particulier symbolise en quelque sorte le retour à l’ordre. Les meubles au char se sont échelonnés à partir de 1916. le premier a été présenté au Salon d’automne en 1919 et a suscité de nombreuses critiques. Ce qui en fera un meuble très remarqué…

Bâti en chêne et en bois d’amarante, il est revêtu d’un plaquage en ébène de Macassar (originaire d’Indonésie). Le travail du macassar, sur ce meuble, se caractérise par l’application de carrés de couleurs diverses, disposés de façon décalée, donnant ainsi cet effet de clair-obscur. La structure comporte quatre portes, deux centrales et deux latérales. D’autre part, un décor précieux en ivoire orne l’ensemble : le motif principal en est le char, dont le dessin a été réalisé par le dessinateur et collaborateur de Ruhlmann, Maurice Picaud. Ce dernier est également à l’origine du bas-relief du théâtre des Folies-Bergères. Le char d’Apollon - référence à l’Antiquité grecque - peut être interprété comme un pied de nez à l’Art nouveau. Un motif octogonal en pointillé, également en ivoire, cerne le bige au cavalier stylisé. Des cannelures de petits créneaux d’ivoire décorent les bords du meuble. Les sabots des pieds sont aussi en ivoire. Cette desserte a été présentée dans divers salons. Ruhlmann portait une attention particulière à cet objet, il l'aimait beaucoup. À sa mort, son épouse a tenu à l’offrir au musée du Louvre. Pierre Verlet, qui à l’époque en était le conservateur, l’appréciait. Selon lui, c’est l'une des créations qui caractérisent le mieux le style de Ruhlmann.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
02.01.2002