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Expositions

Tina Modotti, Cartouchière, faucille, guitare, 1927.

Deux femmes derrière l'objectif

Dans le cadre de son mois de la photo, la ville de Bolzano présente le travail de Jane Evelyn Atwood et de Tina Modotti.

Dans cette petite ville plutôt riche et active du nord de l’Italie, entre Vérone et la frontière autrichienne, un cercle photographique, dont la création remonte maintenant à 25 ans, organise avec passion son troisième “Mois de la Photo”. À noter parmi ses précédentes réalisations une exposition et, antérieurement, la publication d’un livre sur Mario Giacomelli ; l’ouvrage réalisé en collaboration avec le poète Francesco Permunian révélant des aspects peu connus de cette oeuvre majeure de l’histoire de la photographie italienne. En ce mois de décembre, ce cercle avait donc décidé de montrer deux œuvres photographiques très différentes, celles-ci ayant visiblement comme seul point commun le fait d’avoir été accomplies par des femmes : une rétrospective Tina Modotti, intitulée “Una fragil vida”, et le travail de l’Américaine Jane Evelyn Atwood sur les femmes en prison.

En 1998, les membres de ce cercle se rendaient à Paris avec l’intention de visiter deux expositions : celle de W. Eugene Smith présentée à l’Hôtel de Sully et celle de Jane Evelyn Atwood à la Maison de la Villette. Il en ressort immédiatement le projet de montrer un jour Atwood à Bolzano. Au coeur de cette ville où nombre de touristes convergent en cette saison pour arpenter les allées d’un célèbre marché de Noël, il est ainsi très inattendu de trouver dans les salles de son Museo Civico ces impressionnantes photographies de prisonnières, un univers totalement en marge des préoccupations locales du moment. Tout le mérite de ce cercle photographique est d’avoir su mobiliser l’énergie et trouver les moyens de montrer une oeuvre qui lui tenait profondément à coeur.

Parallèlement à l’exposition de Jane Evelyn Atwood, dont le travail participe d’une démarche documentaire radicale, sans concession ni effet de style, le cercle photographique de Bolzano, qui porte précisément le nom de Tina Modotti, a choisi de présenter une importante rétrospective de cette aventurière mexicaine occupant dans l’histoire de la photographie une place à part. On regrettera cependant le manque de discernement dans la présentation de près de deux cents pièces en provenance de la Fondation Cinemazero à Udine. Sont en effet mêlés à de très belles images des variantes ou des documents de moindre valeur artistique. Néanmoins, on découvrira avec plaisir, à travers une jolie série de photographies de plateau, le rôle que tient Tina Modotti en 1920 dans le film muet de Roy Clements, “The Tiger’s Coat”. Une partie de l’exposition consacrée aux recherches artistiques que menait Tina Modotti dans la mouvance de l’Américain Edward Weston est sans doute plus lisible et révèle de très sensibles compositions. Un troisième volet du “Mese della Fotografia” est constitué de l’exposition des travaux réalisés par les membres du cercle photographique et à travers lesquels s’expriment des choix artistiques, des tendances différentes, des hésitations, en bref un authentique échange propre à toute activité de groupe. Et il faut aujourd’hui s’écarter des grandes métropoles photographiques pour retrouver un peu de cette authenticité.


 Gabriel Bauret
20.12.2001