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Expositions

Un expressionniste chez les Papous

À la veille de Première Guerre mondiale, les Nolde s’embarquaient pour une expédition dont l’artiste devait revenir chargé de dessins et de souvenirs.


Emil Nolde, Soleil des tropiques,
huile sur toile, 71 x 104 cm
© Stiftung Seebüll Ada und Emil Nolde
En 1913, Emil Nolde a 46 ans lorsqu’il décide de partir avec son épouse pour une expédition de deux ans dans l’archipel Bismarck. Son goût pour les cultures exotiques n’est pas neuf. Deux ans auparavant, il l’a déjà poussé à arpenter les collections du musée ethnologique de Berlin pour composer ses premières natures mortes de masques. Il n’est pas rare non plus. « Nolde partageait avec les artistes de sa génération non seulement un intérêt pour l’art primitif mais aussi le rêve de découvrir le monde réel des indigènes, explique Evelyn Benesch, la commissaire d’exposition. Lorsque l’occasion de participer à cette mission se présenta, il la saisit sans hésitation même s’il dut payer pour s’y joindre ».


Emil Nolde, Jupuallo,
aquarelle, 47 x 34 cm
© Stiftung Seebüll Ada und Emil Nolde
Organisée par le ministère impérial des colonies, l’expédition est consacrée à l’étude médicale et démographique. Auprès des scientifiques, Nolde est chargé d’illustrer les caractéristiques ethnographiques des différentes populations de l’archipel. En réalité, il ira bien au-delà de cette mission. Il se met au travail dès qu’il quitte Berlin, saisissant en route le regard des femmes croisées lors des étapes du Transsibérien ou le glissement des jonques sur la mer Jaune. Quant à la vingtaine de peintures et aux centaines de dessins réalisés une fois rendu dans les mers du Sud, ils ne peuvent en aucun cas être réduits à un simple travail documentaire. Car s’ils dépeignent les indigènes avec une inlassable curiosité, ils traduisent également la fascination de l’artiste pour une nature « vierge », pour la pensée, les sentiments et les arts de ces bons sauvages.

Une quinzaine de toiles et de très nombreuses œuvres graphiques créées durant le voyage, et provenant en grande majorité de la fondation Nolde de Seebühl, sont réunies actuellement au Kunstforum de Vienne. Associées à des dessins antérieurs, ceux du musée berlinois d’ethnologie, à des œuvres océaniennes rapportées par le couple et à des créations plus tardives de Nolde, elles illustrent la place cardinale de cette expérience dans la carrière du peintre expressionniste.


 Zoé Blumenfeld
14.12.2001