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Expositions

Kasimir Malevitch, Sombre pressentiment (Torse en chemise jaune), vers 1932, huile sur toile, 99 x 79 cm
© Musée russe de Saint Pétersbourg


Kasimir Malevitch, Autoportrait (L'artiste), 1933, huile sur toile, 73 x 66 cm
© Musée Russe de Saint-Pétersbourg


Si tous les Malevitch du monde…

Pas tous mais presque : la grande exposition de Vienne présente plus de 100 tableaux du suprématiste russe.

1915. Malevitch (1878-1935) peint le Carré noir sur fond blanc. Comme Marcel Duchamp l’année précédente avec son premier ready-made, l’artiste russe fait table rase de la tradition et incarne l’un des courants les plus radicaux de l’avant-garde. En Occident, il semble que ce geste fondateur constitue un écran. Comme si l’ensemble de sa carrière devait être résumée à cette peinture suprématiste. Profitant de ce que le musée Russe de Saint-Pétersbourg travaille à l’établissement du catalogue raisonné de son œuvre, le Kunstforum de Vienne comble cette lacune et propose une rétrospective pleine de surprises pour laquelle on attend plus de 150.000 visiteurs.

Autour du masque funéraire de l'artiste récemment redécouvert, 120 œuvres sont ici réunies, abordant tous les champs auxquels Malevitch s’est intéressé : la peinture, bien sûr, mais aussi les projets architecturaux - les architectones -, les modèles de céramiques, de reliures ou de costumes de théâtre. En retraçant la carrière de l’artiste, de ses débuts vers 1900 sous l’influence du symbolisme, du fauvisme et du futurisme, à son retour tardif à la figuration après la Révolution d’Octobre, cette exposition nous réserve quelques découvertes. Florian Steininger, commissaire de l’exposition, nous dévoile l’une d’elle, « les portraits complètement réalistes peints dans un style renaissance proche de celui de Mantegna ».

Mais bien sûr, l’exposition du Kunstforum fait la part belle aux périodes suprématiste et néo-suprématiste des années 1915-1925. Elle en réunit les œuvres clés, le Carré noir sur fond blanc, le Cercle ou la Croix et les met en relation avec une icône russe, pour mieux souligner la philosophie spirituelle qui guidait l’artiste dans son cheminement vers la non-figuration. Mais là aussi, les visiteurs devront s’attendre à des révélations car des peintures datent en réalité de la toute fin de carrière de Malevitch. Comme l'explique Florian Steininger, « il antidatait certaines d’entre elles, sans doute par crainte du nouveau régime stalinien, opposé à l’abstraction » et ce alors même qu’il tenait à établir une stricte chronologie de son œuvre. Une manière de rappeler que l’artiste utopiste, révéré par le pouvoir puis frappé d’ostracisme ne peut être vraiment compris en dehors de l’atmosphère politique russe du début du siècle.


 Zoé Blumenfeld
07.09.2001