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Patrimoine

Francesco Bandarin : «Les listes de l'Unesco vont mieux prendre en compte le Tiers-Monde»

Une semaine après la session d'Helsinki, qui a couronné 31 nouveaux sites, le directeur du Centre du Patrimoine mondial annonce de nouvelles règles du jeu.

Quel est le nombre de sites actuellement inscrits sur vos listes et comment se répartissent-ils par continent ?
Francesco Bandarin, directeur du Centre du Patrimoine mondial.
Nous avons à ce jour 721 sites, dont environ 550 sont culturels et 150 naturels, le reste étant mixte. Le déséquilibre apparent en faveur des premiers n'en est pas vraiment un puisque les sites naturels sont généralement beaucoup plus vastes. Le vrai déséquilibre est régional. Plus de la moitié des sites sont en Europe. Cette année encore, sur 31 inscriptions, 17 concernaient le Vieux Continent. Ce déséquilibre n'est bien sûr pas qualitatif mais nous avons pris des mesures pour le redresser. Vous savez que l'inscription sur les listes du patrimoine se fait à partir des candidatures présentées par les 167 Etats qui adhèrent à la convention de 1972. Près d'un quart d'entre eux - 45, dont beaucoup sont en Afrique - n'en ont pas. C'est le cas, par exemple, du Soudan, qui est pourtant immense ! Dès l'an prochain, de nouvelles règles seront appliquées. Chaque Etat ne pourra proposer qu'un site par an. De son côté, le comité ne pourra lui aussi en inscrire qu'un par pays. Mais il n'existe pas de mécanisme pour obliger un pays à présenter sa candidature ! Ceux qui ont davantage de ressources administratives, financières ou techniques sont évidemment avantagés.


Samarcande (Ouzbékistan), inscrit en 2001.
Comment s'effectue le processus de sélection ? Etes-vous soumis à des pressions ?
Francesco Bandarin.
La Convention prévoit donc que chaque pays dépose sa liste indicative. Nous vérifions que les trois préconditions sont satisfaites : la valeur exceptionnelle et universelle du site, une législation appropriée pour sa conservation, un plan de gestion précis du site prenant en compte la fréquentation touristique, d'éventuelles catastrophes natuelles, etc. L'évaluation est ensuite faite par deux organismes indépendants : l'ICOMOS et l'AIUCN. Le Comité du Patrimoine mondial - composé de 21 Etats élus lors de l'assemblée générale - se réunit et décide. Entre la candidature et la décision, il se passe plus d'un an. A partir de 2002, pour le 30e anniversaire de la Convention, la réunion du Comité aura désormais lieu en juin et non plus en décembre. Elle se tiendra à Budapest le 25 juin.


La côte du Dorset en Grande-Bretagne,
inscrite en 2001
La liste du patrimoine mondial est devenue une sorte de hit-parade. Ne craignez-vous pas ce succès, notamment par l'excès de fréquentation qu'il peut entraîner sur des sites fragiles ?
Francesco Bandarin.
Le tourisme comporte toujours un risque, même quand il ne s'agit pas de tourisme de masse. Je prends un exemple : aux Galapagos, l'an dernier, on a frisé la catastrophe, lorsqu' un bateau a perdu son carburant. Et pourtant, il ne s'agissait pas de l'Exxon Valdez et l'on est plutôt en présence d'un tourisme d'élite. Je crois au contraire que l'inscription sur nos listes est la forme la plus haute de protection. Nous menons des contrôles et la pression morale de l'Unesco est très forte. Je n'ai jamais vu un Etat s'en désintéresser. Prenons le cas d'Iguaçu : les habitants y avaient bâti une route à travers la forêt, jusqu'aux chutes. Nous avons exercé une pression sur le Brésil. Le gouvernement a envoyé l'armée pour détruire la route ! Iguaçu, que nous avions placé sur la liste du patrimoine en péril, l'a quittée cette année.


 Rafael Pic
20.12.2001