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Muraille de Chine, le serpent de pierre

Le photographe Daniel Schwartz a vagabondé pendant des mois entre le fleuve Jaune et l’Himalaya. Son but ? Un ouvrage de fortification pluri-millénaire mais mortel…


Qui sait au juste quelle est sa longueur ? Qui pourrait connaître tous ses segments ? De la frontière coréenne au désert de Taklamatan, la muraille de Chine est restée longtemps un secret bien gardé… Un photographe suisse, fasciné par les images que son grand-père avait rapportées de voyages asiatiques entrepris dans les années vingt et trente, a voulu faire son portrait. Il lui en a coûté des milliers de kilomètres, des mois de travail, des interrogations, des arrestations. «J’ai traversé la Chine en 1987-88. A l’époque, il était très difficile, voire interdit, de voyager en dehors des grandes villes. J’ai parcouru 25000 kilomètres sans autorisation. Il me fallait changer de guide : d’une région à l’autre, les langues ne sont pas les mêmes. Le plus difficile n’a pas été de photographier la muraille mais de la trouver ! Son emplacement n’était pas toujours indiqué de façon précise. A la chute de l’URSS, on a d’ailleurs découvert, grâce au satellite, des tronçons entiers en Mongolie-Extérieure»

Des premières constructions, qui datent du 3e siècle avant J.-C. aux dernières, qui sont le fait des dynasties du 19e siècle, il s’étend plus de 2000 ans. A quoi a bien pu servir cette ligne Maginot, dont les tentacules et les fortins se déploient ici dans un noir et blanc intemporel ? A protéger ? Un peu. A contenir des populations ? Davantage. A montrer la puissance sans égale de l’empire du Milieu ? Sans doute. Prises à la chambre, les images ouvrent sur des paysages infinis. Le ciel, la terre, les montagnes, quelques rares touffes d’herbes ou de malingres bosquets, des fleuves amples, paresseux mais inquiétants. On imagine un vent de bout du monde, lancinant, râpeux comme du papier de verre, à rendre fou. Et, présence incongrue, l’homme. Poussant sa charrue, attendant un hypothétique bus, traversant un gué, pédalant, surveillant des moutons petits comme des grains de riz. La Grande Muraille est menacée. A Pékin, elle est devenue une attraction pour touristes Mais, ailleurs, on la démolit pour laisser la place à des autoroutes. Dans le désert, des tronçons entiers, qui ne sont construits que de terre battue, disparaissent sous les sables…


 Rafael Pic
21.01.2002