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Politique culturelle

Un nouvel avenir pour la cité ouvrière ?

Mulhouse lance un véritable manifeste de l'architecture sociale avec l'édification, en 2003, de 60 logements conçus par les plus grands architectes du moment.


Projet de Jean Nouvel
© Coline Colin Communication
On croyait le logement social dans une période stérile depuis les recherches des années 70-80, sans réelle nouveauté spatiale, urbanistique ou architecturale. Voilà qu’au début du troisième millénaire la Société Mulhousienne des Cités Ouvrières (Somco) repose la question du logement en lançant un projet d’envergure. Elle fait appel à des architectes de renom pour proposer à une population modeste un renouveau de l’espace habitable à prix modéré. Jean Nouvel et Shigeru Ban font partie des cinq équipes consultées. Fondée en 1853, la Somco souhaitait créer une manifestation, voire un manifeste de l’architecture sociale, à l’occasion de ses 150 ans. Elle prévoit l’édification de 60 logements d’ici à juin 2003 répartis équitablement entre cinq équipes de conception, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Jean Nouvel, Shigeru Ban avec Jean de Gastines, Duncan Lewis, Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal et Matthieu Poitevin de Art’M. «Il s’agissait de solliciter de grands noms de l’architecture pour envisager de nouveaux cadres de vie pour les plus modestes, et ceci au tarif habituel des logements sociaux » explique Pierre Zemp, directeur de la Somco et maître des opérations, qui poursuit que «c’est l’occasion d’une expérimentation qui puisse prendre en compte dans le temps les vœux des occupants, sans réaliser des logements modèles, mais en opérant dans une démarche reproductible, optimisable par la suite ».


Projet de Duncan Lewis
© Coline Colin Communication
Proche du centre ville de Mulhouse, cette réalisation doit occuper des terrains et étendre la première Cité-Jardin ouvrière (avant même le Familistère de Godin à Guise) suivant le même schéma d’implantation orthogonal. Les règles sont simples : chaque architecte dispose d’une parcelle, doit se plier aux règles du POS (plan d’occupation des sols) et concevoir en moyenne 12 logements selon une distribution typologique précise. Le gabarit ne dépasse pas les deux niveaux au-dessus du rez-de-chaussée. Ensuite, chacun est libre de l’aspect d’enveloppe et des aménagements intérieurs. Les projets rendus sont surprenants : les architectes proposent des surfaces de logements exceptionnelles, dépassant les 200 m2 pour des quatre pièces, au lieu des traditionnels 80, et pour un prix équivalent, à la construction, et surtout à la location (la Somco n’appliquant pas pour cette opération la loi de la location au m2). Des ajustements devront probablement intervenir au prochain stade qu’est l’avant-projet définitif pour que les projets répondent aux prix plafonds de construction (l’enveloppe globale est de 41 millions de francs TTC, soit 6,25 millions d’euros, honoraires, terrain et VRD compris pour les 60 logements). Une évaluation de l’opération, à laquelle seront conviés locataires et architectes, est prévue pendant cinq années pour en tirer les enseignements.

Persuadé que le logement doit redevenir le terrain de recherche de prédilection des architectes, Jean Nouvel, en tant que consultant principal, coordonne le plan de masse. Un important travail de collaboration et de concertation s’est fait entre les concepteurs, souvent concurrents sur les projets, pour aboutir à un ensemble cohérent. Restent les appels d’offres, dans quelques semaines, pour révéler la faisabilité de ces bâtiments. Rendez-vous en juin 2003 pour la visite et l’analyse de cette expérience à la fois architecturale et sociale.


 Rafaël Magrou
20.12.2001