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Denis Roland : «Mulhouse possède le premier fonds mondial d'impressions textiles»

Grâce à la mobilisation de l’État et des collectivités territoriales, le musée de l'Impression sur étoffes s’est récemment enrichi de la collection de l’entreprise alsacienne Texunion.


© Musée de l'impression
sur étoffes
Quelle est l’histoire du fonds Texunion ?
Denis Roland, conservateur du musée de l’Impression sur étoffes de Mulhouse.
Comme son nom l’indique, Texunion réunit des entreprises textiles. Elle a été créée en 1963 sur le site industriel de Psastatt-le-Château, à côté de Mulhouse. Dès ses débuts, Texunion a conservé les archives des différentes entités qui la constituaient. Mais, très vite, Hans Thomann, le PDG, a décidé de doter l’entreprise d’un réel centre documentaire. En 1969, il rachète 750 livres d’échantillons à une usine Brunet Lecomte, qui ferme ses portes dans la région lyonnaise. C’est un véritable acte fondateur. Bien d’autres ensembles, moins considérables en volume, suivront… Il faut bien comprendre que ces archives ont un usage professionnel. Elles sont utilisées par les dessinateurs et les créateurs de Texunion, qui crée plusieurs centaines d’images textiles par an. Au cours des années 1990, les difficultés se multiplient. En 1997, la personne chargée de la gestion du fonds s’en va. Elle ne sera pas remplacée et, trois ans plus tard, l’entreprise cesse toute activité.

Comment cette documentation at-elle intégré les collections du musée ?
Denis Roland.
Ici, l’annonce de la fermeture de Texunion a été très fortement ressentie. C’était un vrai symbole de l’industrie régionale. La direction voulait tout liquider très vite. Un mouvement s’est créé pour empêcher la dispersion de ce fonds hors d’Alsace. L’ensemble n’aurait jamais pu trouver acquéreur. Il aurait été morcelé entre des industriels européens, asiatiques et américains qui s’étaient déjà manifestés. Finalement, l’Etat, les collectivités territoriales et quelques mécènes privés ont racheté le fonds pour 8 millions de francs. C’est une somme importante pour du patrimoine textile industriel. Mais si on songe aux prix du marché, c’est assez peu. En octobre 2000, un ensemble de 21 livres de Brunet Lecomte, similaires aux 750 qui ont été acquis par Texunion en 1969, a rapporté 275 000 de francs lors d’une vente à Drouot !


© Musée de l'impression sur étoffes
En quoi consiste ce fonds ?
Denis Roland.
Ce sont 3 millions d’exemplaires répartis entre des livres, des robracks (échantillons commerciaux d’un motif et de ses diverses colorations agrafés sur un carton), des dessins et des maquettes à l’échelle prêtes à l’exploitation. Ces documents proviennent en majeure partie d’Alsace ou de la région lyonnaise, mais on compte aussi quelques tissus asiatiques et africains, des pochoirs japonais anciens et des livres des années 1900…

Où le fonds sera-t-il conservé ?
Denis Roland.
Le site Texunion a été entièrement rasé et nous n’étions pas prêts à recevoir le fonds tout de suite. Nous avons dû trouver des solutions intermédiaires. Jusqu’en mars prochain, il est conservé dans un bâtiment industriel de la région. Par la suite, il sera déposé dans des espaces dégagés dans le musée et à l’université de Mulhouse. À long terme, nous travaillons à la constitution d’un espace d’accueil et de mise en valeur qui devrait ouvrir dans une dizaine d’années…

Comment met-on en valeur un tel fonds ?
Denis Roland.
Avant l’arrivée du fonds Texunion, notre musée comptait déjà 3 millions d’exemplaires. Notre collection double, nous devenons le premier centre textile au monde mais nous ne changeons pas de méthode et nos objectifs restent les mêmes. D’abord, bien connaître notre collection. Nous nous engageons dans un grand travail d’inventaire qui est d’autant plus intéressant que les modes de classements des deux ensembles ne coïncident pas. Pour simplifier, le fonds Texunion était organisé pour un centre de création, en fonction de critères descriptifs, tandis que nous tenons plutôt compte des dates et des lieux de production. D’autre part, nous tenons à demeurer un outil de création et à fournir aux stylistes les motifs qu’ils recherchent dans un contexte où l’impression à jet d’encre va faire du marché un consommateur d’images toujours plus important. À ce titre, nous travaillons en partenariat avec le Pôle Textile Alsace, qui regroupe industriels et universités.


 Zoé Blumenfeld
12.02.2002