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Du nouveau sur la mort du Caravage

Comment et où est mort le génie violent, le peintre assassin, renié par les chevaliers de Malte ? La découverte récente de son acte de décès ouvre de nouvelles pistes.


L'acte de décès du Caravage, daté
du 18 juillet 1609, année de Sienne,
© Pro Loco Porto Ercole
On connaît la vie aventureuse de Michelangelo Merisio, originaire, probablement, de la petite ville lombarde de Caravaggio, où se trouve un important sanctuaire dédié à la Vierge. Cette dernière ne semble pas avoir porté chance à l’artiste. Rixes dans les tavernes, coups de couteau, disputes avec ses commanditaires… Jusqu’à cette mort lamentable en juillet 1610, sur les sables de Porto Ercole, sur le promontoire toscan de l'Argentario, dans des circonstances mal éclaircies. Le peintre était alors en route vers Rome. Condamné à mort pour l’assassinat du jeune Ranuccio, il s’en allait quémander sa grâce au pape. Il emportait à bord d’une felouque deux chefs-d’œuvre, qu'il comptait offrir au saint-père pour l'attendrir. Tout n’alla pas comme prévu. Caravage, descendu à terre, manqua le départ du bateau. Déjà épuisé par ses excès, blessé lors d’une altercation à Naples, probablement provoquée par des sicaires des Chevaliers de Malte, il s’épuisa à courir après l'embarcation sur la plage. Jusqu’à tomber d’inanition…

A Porto Ercole, tout le monde se passionne pour Caravage. Des rues portent son nom et, tous les ans, le 10 juillet, on lui dédie une fête. Biagio Sabatini, l’un des responsables de la Pro Loco, l’office de tourisme, raconte la découverte. «Nous étudiions avec l’architecte Giuseppe La Fauci, qui est responsable des archives de l’église, d’anciens documents. En consultant un livre des morts pour l’année 1654, nous découvrons un feuillet volant. Au recto, un nom. Au verso, une autre mention – A li 18 luglio 1609 nel ospitale du Santa Maria Ausiliatrice morse Michel angelo Merisi da Caravaggio, dipintore, per malattia. La date 1609, au lieu de 1610, s’explique aisément. A l’époque, Porto Ercole était aligné sur le calendrier de Sienne, qui était en retard d’un an. Mais comment expliquer la présence de cet acte dans le livre des morts 1654 ? Lors de la mort du peintre, le prêtre de la paroisse était en prison, pour vol. C’est son suppléant qui a tenu les registres, en son absence. Le feuillet a dû être mal classé et a été attaché plus tard, avec de la colle de farine, dans un autre volume.»

Cette découverte permet de préciser les circonstances de la mort. Caravage, au moment de son décès, ne savait pas qu’il avait déjà été gracié par le pape. Il a probablement été attaqué par la dysenterie, qui était un mal très commun l’été, dans la région, lorsque les gens buvaient de l’eau infectée. Où a-t-il été enterré ? Biagio Sabatini se rappelle : «Lorsque j’étais enfant, vers 1954, on a ouvert un parc sur l’emplacement d’une ancienne église. Lors des travaux, des dizaines de squelettes ont été mis au jour. C’était la paroisse de San Sebastiano, dont le nom n’est pas commun chez nous, où nous avons plutôt des Erasme, des Blaise. Nous en avons discuté avec Maurizio Marini, l’un des plus grands connaisseurs de Caravage. Les gens de Porto Ercole étaient enterrées à l’intérieur des murs, les Espagnols dans une paroisse à l’entrée de la ville. Ce sont les étrangers de passage qui devaient trouver une sépulture à San Sebastiano. Caravage était parmi eux, puisqu’on sait maintenant avec certitude qu’il est mort sur le territoire de la commune…» Un monument va bientôt être élevé au peintre, qui délivre au compte-goutte les secrets d’une existence tumultueuse.


 Rafael Pic
29.12.2001