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Sous l'abstraction pointe l'ornement…

Un épais catalogue et une ambitieuse exposition à la fondation Beyeler réévaluent les racines de l'art abstrait.


On se souvient de la salve tirée en 1908 par l'atrabilaire architecte viennois Adolf Loos. Dans un pamphlet dont le titre sonnait comme une admonestation biblique, Ornement et crime, il réglait son compte au misérable ornement, lui enjoignant de quitter à jamais les parois de la maison moderne. Un siècle plus tard, les esprits se sont apaisés et les artistes non-figuratifs n'émettent plus d'oukases aussi impérieux. Ils sont prêts à faire cohabiter sans états d'âme abstraction et ornement. La fondation Beyeler en a profité pour faire le point. Elle a décidé de confronter des icônes de l'art moderne et contemporain à des créations venues du fond des âges, de l'artisanat ou de mondes exotiques.

Accoler des carreaux de céramique arabes aux Pommiers en fleur de Mondrian, un tapis précolombien aux Drapeaux de Jasper Johns ou un chapiteau corinthien à un papier collé de Matisse est une approche séduisante, ne serait-ce que parce qu'elle fait naître une foule de correspondances inattendues. En passant des motifs de Josef Hoffmann pour les Wiener Werkstatte aux murs peints d'une maison tchécoslovaque (on aurait pu y ajouter la fameuse Renault à damiers du peintre Corbassière qui stationnait devant la discothèque Le Tabou dans les années cinquante), on se promène au milieu des œuvres comme dans la forêt baudelairienne des symboles et l'on est - enfin - amener à regarder plutôt qu'à voir. Une démarche souvent absente des musées ou des grandes expositions, qui se transforment toujours plus en lieux de surconsommation d'images. C'est le rôle nécessaire de la critique de discuter les rapports de causalité, de filiation ou de coincidence entre l'ébéniste andalou et Rothko. Mais, de cette mise en perspective bâloise, il apparaît que l'univers des formes cher à Malraux ne connaît pas de frontières…


 Souad Hali
07.09.2001