Home > Le Quotidien des Arts > Passage à vide pour l’Art Déco ?

Marché

Passage à vide pour l'Art Déco ?

Après un début d'année euphorique, le secteur subit de plein fouet les effets du 11 septembre.


Paul Dupré-Lafon,
Bureau à sous-main encastré
parchemin, cuir rouge, chêne et
placage de palissandre. H: 74 cm
(5,9 millions FF, Etude Tajan, 21 mai).
Plus que toute autre, l'année 2001 s’est scindée en deux saisons. Dans le domaine des arts décoratifs du 20e siècle, l’année a débuté sous de bons auspices. « De janvier à juillet, tout s’est remarquablement bien passé », se rappelle Jean-Marcel Camard. « Il régnait une certaine euphorie, les proportions de lots vendus ont atteint 80% à 90% et les prix ont beaucoup augmenté. L’un des symboles de cette tendance a été le phénomène Dupré-Lafon ». La prédominance de l’ébéniste dans les bilans chiffrés de la spécialité vient étayer cette analyse, à l’image des deux adjudications réalisées le 21 mai par l’étude Tajan : 5,9 millions FF pour un bureau à plateau rectangulaire gainé de parchemin et 3,8 millions pour un bureau à caissons latéraux suspendus gainé de cuir rouge.


Charlotte Perriand,
Buffet à deux portes
coulissantes plastifiées

(2,3 millions FF, Etude
Cornette de Saint Cyr, 21 octobre)
Mais depuis les évènements de septembre, tout a basculé car les Etats-Unis sont l’un des principaux débouchés du secteur. Les ventes se sont trouvées privées d’une clientèle internationale auparavant active tandis que les professionnels, encore chargés de la marchandise acquise durant la première moitié de l’année, étaient moins enclins à acheter. Au lendemain de la vente Tajan du 20 novembre, Felix Marcilhac nous déclarait : « On a vraiment pu constater un essoufflement du négoce parisien (…). Dans le contexte actuel, la contrepartie des marchands était assez faible ». On a ainsi vu le cabinet Camard annuler une vente prévue pour le 15 octobre et de nombreux Dupré-Lafon rester invendus lors des dernières ventes de l’étude Tajan. Malgré les enchères millionnaires d’un grand bar d’appartement ou d’une table basse au plateau en bois de bout, « on a un peu pris le bouillon », conclut Jean-Pierre Camard.

Cet état de fait ne semble pourtant pas effrayer les experts qui espèrent un assainissement et une réorientation du marché. « Dans notre milieu, les crises sont cycliques et leurs symptômes bien connus », reprend Jean-Pierre Camard. « Là, les prix montent sans qu’il y ait de réelle spéculation. Le marché ne tolère pas les écarts ou les surpaiements. Il est stable, sain et difficile à manipuler ». Si le marché arrive peut-être à satieté pour les années 40, les années 50 prennent leur envol. Sur la lancée de l’année dernière, les ventes « Design 1950-2000 » de l’étude Cornette de Saint-Cyr multiplient les records. Le luminaire Totem de Serge Mouille (176 000 FF) et le buffet exécuté par André Chetaille pour Charlotte Perriand (2,3 millions FF) en constituent de beaux exemples.


 Zoé Blumenfeld
10.01.2002