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Patrimoine

Vittorio Gregotti : «Je construis une ville en Chine»

L’architecte, auteur du théâtre qui accueille la Scala de Milan pour trois ans, fait le point sur son dernier projet pharaonique.


Esquisse pour Civitanova Marche,
© Gregotti Associati
Vittorio Gregotti, l’un des plus capés des architectes italiens, est plus actif que jamais. Sa dernière création, le théâtre des Arcimboldi, dans l’ancien quartier industriel de la Bicocca à Milan a été inauguré, samedi dernier, par le maestro Riccardo Muti. Il doit en effet servir de siège à la Scala pendant les trois ans que dureront les travaux de restauration. Si les musiciens se sont félicité de l’acoustique du nouvel auditorium, les avis sont plus partagés sur son esthétique. Le secrétaire d’Etat à la culture, Vittorio Sgarbi, coutumier de ces dérapages, a affirmé dans un premier temps qu’il le trouvait «répugnant» avant de modérer son propos en se bornant à noter la ressemblance «avec un cinéma multiplexe».


Planimétrie d'un îlot à Pujiang,
© Gregotti Associati
Dans les cartons de Gregotti Associati, on trouve la revitalisation d'une zone industrielle à Civitanova, dans la région des Marches, ou la refonte – interrompue jusqu’à nouvel ordre – de la Gaîté Lyrique à Paris. Mais le projet le plus ambitieux concerne la Chine. L’étude, qui emploie aujourd’hui une cinquantaine depersonnes, a remporté un concours international sur invitation pour la construction de la ville nouvelle de Pujiang, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Shanghai. «La réforme agraire et la mécanisation ont libéré beaucoup de main-d’œuvre explique Vittorio Gregotti. C’est pour éviter qu’elle vienne en masse dans les villes que les autorités chinoises ont décidé la construction de neuf nouvelles villes autour de Shanghai, qui doivent être autant de centres autonomes. Celle que nous réalisons sera construite sur un espace, aujourd’hui vide, de 3 kilomètres sur 5.» Un projet qui ressemble fort au rêve d’Alphonse Allais - construire des villes à la campagne… Chacune de ces neuf villes doit s’inspirer de la tradition occidentale, plus enracinée à Shanghai qu’ailleurs en Chine.


Vue nocturne virtuelle de Pujiang,
© Gregotti Associati
Vittorio Gregotti n’en est pas à son coup d’essai en matière d’architecture urbaine à grande échelle. En 1992, il avait gagné un concours, laissé sans suite, pour l’édification d’une nouvelle ville sur la mer Noire, en Ukraine. A Milan même, le théâtre des Arcimboldi n’est que la partie émergée, médiatique, d’une refonte globale du site de la Bicocca, occupé pendant des décennies par les usines Pirelli. Pour sa «ville italienne en Chine», Gregotti a respecté la classique trame orthogonale. «Nous nous sommes bien sûr inspirés des grandes refondations, comme celles effectuées par les Espagnols en Sicile, après le tremblement de terre de 1693 qui avait rasé Noto ou Raguse. Ce sera une ville basse, la hauteur des édifices ne dépassera pas trois ou quatre étages. Dans le tissu urbain seront insérés un musée, deux théâtres, une université.» Les travaux doivent débuter en mars 2002, à l’issue du processus d’expropriation, avec les infrastructures et un «échantillon» d’habitat dans le futur centre.


 Rafael Pic
22.01.2002