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Expositions

Heidi Zumbrun, autopsie par procuration

Première exposition parisienne à la galerie Valérie Cueto pour cette jeune artiste californienne qui explore le monde des apparences.


Heidi Zumbrun, Lapin
© Galerie Valérie Cueto
Une petite vingtaine de photographies couleur sont présentées dans la galerie parisienne. Clichés de morceaux de peluche, de bourrage, perdus dans un environnement blanc accueillent le visiteur. La surexposition partagée par la plupart de ces images confère à ce premier ensemble une atmosphère clinique, et l'on est alors tenté de voir dans ces formes apparemment indistinctes, autant de mains, pieds, intestins disposés sur une table d'opération. A la découverte du second espace d'exposition, l'intention de l'artiste s'affirme un peu plus et apparaît avec davantage de netteté au spectateur ; une galerie de portraits, photographies grand format de peluches déchirées, semblables à des cadavres s'offre au regard. Plus rien ne renvoie au monde enfantin qu'évoquent habituellement ces objets, photographiés suivant un point de vue frontal, en pied, selon un éclairage uniforme, ils semblent être des clichés d'identification judiciaire. Le titre de l'exposition Anatomie et Post-Opératoire confirme cette volonté de rendre compte, au travers de séries photographiques, et dans une démarche quasi-scientifique et systématique, de corps et des mutilations qu'ils ont subis.


Heidi Zumbrun, Chat
© Galerie Valérie Cueto
Ce travail prend sa source dans l'histoire personnelle d'Heidi Zumbrun, qui, après une opération chirurgicale au visage, souffre d'une paralysie faciale partielle. Ces peluches qu'elle photographie sont en fait, les victimes de son chien, objets dans lesquels elle croit voir un reflet de son propre visage. L'agrandissement des peluches à échelle quasi-humaine accentue ce rapprochement recherché entre la souffrance de l'artiste et ces objets défigurés. Si la visée première de cette démarche était, sinon thérapeutique, au moins symptomatique d'un mal-être, elle dénote également une certaine capacité de distanciation par l'humour et l'absurde. Certaines de ces effigies sont en effet, de par leur difformité et l'incertitude qui plane autour de leur nature (chat, lapin ou monstre non identifié ?), fort curieux et ridicules. Naît alors un décalage entre la morbidité véhiculée par ces peluches disséquées et l'aspect grotesque de certaines d'entre elles. Heidi Zumbrun, à l'instar d'un Mike Kelley, use de l'imagerie populaire enfantine à contre-courant, conférant à ces peluches une matérialité, une valeur organique dont ces objets fruits d'une idéalisation et asexués, sont originellement dépourvus. Heidi au pays des horreurs ?




 Raphaëlle Stopin
11.01.2002