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Marché

Série de sept cloches, époque Han
Estimation : 200 / 250 000 FF

Deux sons de cloche pour un carillon

Polémique d'experts autour de la datation d'une série de sept cloches chinoises mises en vente par l'étude Néret-Minet.

L’étude Néret-Minet commence l’année avec une vente aux enchères d’archéologie méditerranéenne et asiatique dont la vedette est une série de sept cloches en bronze déposées sur un présentoir tardif, estimée à 30 500 € (200 000 FF). « Ces cloches de facture similaire proviennent très certainement d’une même tombe, sans doute située dans le nord-ouest du Henan », explique M. Laporte, l’expert de la vente. Selon lui, tout concourt à penser qu’elles sont d’époque Han (206 av JC – 220 ap JC) : la datation par thermoluminescence des dépôts de terre, le décor constitué de registres de protubérances et les deux tons produits par chacune des cloches selon une technique héritée des Zhou (1045 - 222 av JC).

Alain Jouffray, directeur de l’Institut européen d’art campanaire, revient avec nous sur l’histoire de ces instruments. Il était en effet le commissaire de « La voix du dragon », l’exposition du musée de la Musique qui avait fait scandale durant l'hiver 2000 à cause de l’installation d’une œuvre du franco-chinois Chen Zhen, parodie des cloches exceptionnellement sorties du territoire chinois. « Les Zhou, c’est la grande époque du bronze chinois comme instrument de musique. Le grand carillon du marquis Yi en un symbole éclatant. Nous l’appelons « la huitième merveille du monde » à cause de ses 65 cloches harmonisées entre elles et ayant chacune deux tons. » Et d’expliquer que la période Han est plutôt caractérisée par une perte des secrets techniques. « À cette époque, on trouve surtout de petites clochettes de harnachement, des chunyu monumentales - dont les anneaux forment des têtes de félin ou de monstres "taotie" - et des cloches déposées dans des tumulus qui constituent un hommage à la grandeur du passé, mais ne servent plus à jouer.

Les cloches mises en ventes aujourd’hui surprennent le spécialiste dans la mesure où elles appartiennent manifestement à ce dernier ensemble, tout en conservant les qualités musicales de leurs harmonieux antécédents. « J’émets quelques réticences, pas sur l’objet à proprement parler, ce serait bien audacieux en étant à 900km de lui… Mais cette datation est curieuse. Si l’objet est vraiment harmonisé, il est sans doute plus ancien. En revanche, s’il est Han, il ne devrait pas avoir de qualité musicale. Il ne faut pas oublier que de plus en plus de faux circulent. À mon avis, plus d’un tiers des cloches chinoises qui passent en ventes publiques sont fausses. » Les amateurs trancheront…


 Zoé Blumenfeld
12.01.2002