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Expositions

Jabach, le dessin pour passion

Le musée du Louvre dévoile les chefs-d’œuvre réunis par le collectionneur du 17e siècle : Dürer, Léonard de Vinci ou Paul Bril.


Dürer, Vierge à l'enfant. Plume
et encre brune et noire © R.M.N.
Everhard Jabach (1618-1695), banquier de formation, directeur de la Compagnie des Indes Orientales et de la manufacture des Gobelins a réuni, durant toute sa vie, l’une des plus importante collection de dessins et de peintures du 17e siècle. S'il vend une partie de ces pièces au roi Louis XIV en 1671 (101 tableaux et 5542 dessins), l’amateur continue à acquérir des dessins jusqu’à sa mort en 1695. Quelque 4000 feuilles sont alors dispersées entre de grands collectionneurs comme Pierre Crozat (1665-1740), Pierre-Jean Mariette (1694-1774) et Carl Gustave Tessin (1695-1770). Un montage caractéristique permet d’identifier les dessins de la collection Jabach : une bordure dorée soulignée par un trait de lavis brun. Le classement par portefeuilles tenait compte de l’état d’achèvement des feuilles. Ainsi les œuvres très achevées étaient-elles rassemblées avec les dessins dits « d’ordonnance ».



«Vous ne devriez pas aussi négliger de voir à Paris, le cabinet du sieur Jabach qui est un des plus beaux du monde, pour ses tableaux aussi bien que pour les desseins». (Constantin Huygens, 1663)

La chapelle du Louvre présente une sélection de 65 pièces appartenant à la seconde collection Jabach. Son goût prononcé pour les écoles italiennes explique les 500 dessins italiens dans l’inventaire après décès. Il est curieux de constater que les études de draperie, aujourd’hui attribuées à Léonard de Vinci, étaient alors données à Dürer. Poussin, ouvre l’exposition avec des pièces magistrales comme Le mariage, esquisse préparatoire pour la seconde série des Sacrements ou encore les Cinq hommes nus combattant. Les dessins préparatoires de Perino del Vaga pour la chapelle Pucci à la Trinità dei Monti à Rome ou encore le Satyre flûtant avec des chiens de Giulio Romano pour le Palazzo Té de Mantoue démontrent l’importance de certains dessins dans la genèse de grands projets architecturaux. Ainsi, le Roi assis sur un trône de Nicolo dell’Abate documente la décoration de la galerie d’Ulysse au château de Fontainebleau.


Baroccio, Tête d'homme barbu
Pierre noire, sanguine, papier bleu et vert
© R.M.N.
Les dessins de maîtres apportent souvent un témoignage sur des œuvres perdues comme cette Pietà de Giorgio Vasari pour Bindo Altoviti dont il ne reste aujourd’hui qu'une Notre Dame de Pitié à la plume. Le collectionneur ne se contente pas multiplier les achats. Il illustre la diversité de la production de certains artistes comme Frederico Zuccaro, le «peintre-reporter». Un bel ensemble de dessins de la main de l’artiste illustre sa capacité à représenter ses contemporains comme l’écrivain Anton Francesco Doni, l’Homme jouant des épinettes, mais aussi à travailler sur des thèmes bibliques (projet pour une Flagellation) ou encore à étudier l’art du Corrège dans Vénus avec satyre. Comment ne pas être intrigué par la très belle Tête d’homme barbu à la pierre noire et sanguine de Fédérico Barocci dit Baroche, pièce mise en relation avec une Visitation conservée à Rome ? Certaines feuilles méritent une attention particulière comme le Dieu le Père aux nuées de Baccio Bandinelli : la richesse du décor entourant ce dessin à la plume de grande dimension témoigne de son passage dans la collection de Giorgio Vasari.


Paul Bril, Paysage de montagne
Plume et encre brune © R.M.N.
En dehors de l’art italien, les écoles du Nord ne laissent pas le collectionneur indifférent. Jabach voue une véritable admiration aux dessins de Dürer comme le prouvent les 60 feuilles acquises, dont un tiers ont été vendues au roi. La Vierge à l’enfant illustre la parfaite maîtrise de l'artiste allemand. Ami et graveur de Dürer, Lucas de Leyde est ici représenté par trois portraits à la pierre noire. Parmi les artistes flamands, Paul Bril reste le mieux représenté dans la collection : si 80 dessins ont été vendus en 1671, il en restait plus de 70 lors de l’inventaire après décès. Fervent utilisateur de l’encre brune, l’artiste témoigne dans ses dessins du même souci de composition que dans ses peintures.


 Stéphanie Magalhaes
22.01.2002