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Léonard : les Mages resteront vernis

L’intention manifestée par le musée des Offices de restaurer un tableau inachevé de Léonard de Vinci, l’Adoration des Mages, avait créé une petite tempête l’an dernier. Le surintendant aux biens culturels de la Toscane, Antonio Paolucci, vient d’annoncer l’abandon du projet.


© Soprintendenza al patrimonio storico artistico
della Toscana, musée des Offices
Réalisé en 1481-1482, le tableau, presque monochrome, du maître toscan était demeuré inachevé. Selon la direction du musée, qui a entamé les procédures pour sa restauration au printemps 2001, la poussière qui le recouvrait le rendait à peu près illisible et justifiait une intervention. Celle-ci vient d’être repoussée sine die. «Nous avons mené des analyses très approfondies, explique Antonio Paolucci, responsable du patrimoine artistique toscan et ancien ministre de la Culture. On peut dire que nous savons à peu près tout sur ce tableau de Léonard, et notamment sur ses précédentes restaurations, comme celle de 1914, au cours de laquelle des retouches notables ont été apportées, qui ont modifié l’aspect du tableau. D’après les résultats, l’intervention peut se faire mais j’ai décidé d’y surseoir. Le tableau retournera à son emplacement au musée des Offices. L’analyse nous a permis de voir que le malade est malade mais qu’il n’en est pas à la dernière extrémité. Il faut surtout calmer l’agitation médiatique qui entoure la question depuis l’an dernier.»

D’après les informations recueillies par les médias italiens, la polémique n’est pas près de se calmer. La directrice du musée des Offices, Annamaria Petrioli Tofani, qui doit quitter prochainement son poste, a en effet annoncé qu’elle s’inclinait devant la décision de son supérieur mais qu’elle demeurait favorable à la restauration. En revanche, du côté d’Artwatch, c’est la satisfaction. Mené par James Beck, professeur à Princeton, l’organisme indépendant s’était montré résolument opposé à la restauration et avait lancé une campagne internationale. De nombreux historiens de l’art avaient apporté leur signature, dont Ernst Gombrich, récemment disparu. Comme le rappelle Mike Daley, son représentant à Londres, Artwatch a toujours soutenu que le tableau était trop fragile pour supporter une restauration. «Les restaurateurs prétendent que les solvants qu’ils utilisent pour retirer le vernis n’ont aucun effet sur la matière picturale. En réalité, comme l’analyse le montre, ces tableaux sont rarement de pures peintures à l’huile. Le peintre utilisait aussi des vernis. Toucher au tableau, ce serait donc immanquablement en détruire une partie.» De façon plus générale, Artwatch remet en cause les interventions de restauration, dont beaucoup lui paraissent privées de fondement et qui sont souvent «poussées» par des sponsors privés, conscients des retombées médiatiques que cela peut leur apporter. La paix reviendra sans doute sur l’Adoration de Léonard. Mais le débat entre les «interventionnistes» et leurs contradicteurs n’est pas près de s’éteindre. Prochain point de conflit : les fresques de Giotto, dans la chapelle des Scrovegni à Padoue, dont la restauration est largement entamée…


 Rafael Pic
08.01.2002