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Expositions

Sale temps pour le photoreportage

Licenciés en masse par des agences qui se regroupent pour survivre, les photoreporters vivent un moment difficile.


Catherine Millet au lit avec
son mari Jacques Henric
© Sergio Gaudenti
Bill Gates, le patron milliardaire de Microsoft, a les idées claires sur ce que doit être une agence photographique de presse. Une belle banque d’images, numérisée, capable de répondre à toute requête de publication à travers le monde mais sans… photoreporters. C’est du moins ce que semble signifier le licenciement brutal des photographes des agences Sygma, Kipa et Tempsport, rachetées par le magnat américain pour les fondre dans sa structure, Corbis. Le phénomène que l’on observe – la raréfaction et la concentration des sources d’information – est préoccupant même si quelques signes permettent de conserver l’espoir, comme la création à l’automne dernier de l’agence Seven, qui réunit sept stars du boîtier. Mais les autres, les photographes sérieux, acharnés, «anonymes», prêts à payer de leur personne, voire de leur vie, quel avenir pour eux ? Travailleurs indépendants, avec toutes les limitations que cela impose en termes de financement de reportage ou d’organisation administrative ? Membres de nouvelles coopératives à inventer?


Mort d’un manifestant au G8 de
Gênes.
© Antoine Serra
Spécialiste de l’abstraction géométrique en voie de déménagement vers la rive droite, le galeriste Victor Sfez a gardé les réflexes du journaliste qu’il fut. Il a déprogrammé son exposition d’adieu pour offrir ses cimaises aux mis à pied. Un accrochage simple, dans son petit espace sur le trafic incessant du quai des Grands-Augustins : des images côte à côte, couvrant les murs, de la plinthe au plafond, comme au début du siècle chez les suprématistes russes. Pas de texte si ce n’est quelques phrases – en forme de testament ? – des photographes répudiés. L’un d’eux résume parfaitement son métier : des années de travail pour retenir quelques dizaines de clichés capables de traverser les années, et dont chacun n’a représenté qu’un éclair. Au total, une œuvre qui, bout à bout, a pris moins d’une seconde…


Sylvain Wiltord en pleine action
© Stéphane Montey
A voir, donc : des images de people, de sport, de guerre… Les dernières vacances de Lady Di à Portofino, la délurée Catherine Millet au lit avec son mari Jacques Henric, la mort d’un manifestant au G8 de Gênes, derrière des boucliers que dorent les derniers rayons du soleil. Et encore la famine au Sahel ou le duel de deux crawleurs néerlandais et australien. Des vues qui ont marqué, qui nous ont ouvert les yeux, qui nous ont séduits ou scandalisés, dont les tirages sont tous proposés au prix unique de 700 euros. Des images en voie de disparition ?


 Rafael Pic
19.01.2002