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Expositions

Kelly-Matisse, le siècle au filtre de la nature

À partir de simples dessins floraux, l'exposition de Beaubourg illustre les changements de l'art du 20e siècle.


Matisse, Roses, 1945,
fusain sur papier
© Succession Matisse
Dans les années quarante, l'un, vieux cancéreux miraculé, dessine comme un oiseau chante, dans le sud de la France ; l'autre, jeune soldat rescapé, dessine tel qu'un psychanalyste se remet en question, au cœur de Brooklyn : la confrontation originale que vient d'inaugurer le centre Pompidou (un dialogue entre les dessins de Matisse et ceux de Kelly) est moins un ensemble de variations, autour des thèmes végétaux, qu'une illustration des deux états d'esprit de l'Occident, au 20e siècle. Au début, l'Europe chante. Puis, les États-Unis s'appliquent.


© Françoise Monnin
Pendant que, léger, Matisse n'en finit pas de croquer à la plume deux fleurs de son jardin et trois fruits de son verger, Kelly dispose, en grand format, les lignes d'un Iris de Sibérie, d'une feuille de ginkgo ou d'un arbre-corail. Pour le premier, il s'agit de donner aux pétales la plénitude des joues d'enfants, la lumière des ailes de colombes. Pour le second, il est moins question d'observer que de sublimer. « Je voulais l'aplat(...), pas d'ombres, pas de signes », écrit Kelly.

Provocateur, Matisse aligne des boutons de roses, au risque d'être pris pour un fabricant de papier peint, à cette différence fondamentale prêt que chez lui il s'agit toujours, avec moins que rien, de se jouer du vide. « L'éloquence du contour », voilà ce qu'il aime et ce pourquoi il se plaît tant, par ailleurs, à découper du papier. « C'est comme une éclosion », écrit-il, à propos de son bonheur de dessiner. Quand Matisse meurt, presque octogénaire, en 1954, Kelly a trente ans. La centaine de dessins réunis au Centre Pompidou, à présent, le rappelle.


 Françoise Monnin
21.01.2002