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Expositions

Le nu en vue

Après les nus victoriens à la Tate Britain, Hambourg joue avec les tabous et retrace une histoire de la nudité dans l’art.


Hideki Fuji,
Modèle se peignant, 1978
© Museum für Kunst und Gewerbe
Sculptures Jugendstil de femmes fatales aux cheveux envoûtants, planches anatomiques pointilleuses, publicités scandaleuses, céramiques érotiques ptolémaïques… L’homme nu est l’un des thèmes récurrents de l’art depuis ses origines. Ce n’est pas pour autant devenu un sujet anodin car, en mettant en scène la face intime du corps, l’artiste joue avec les tabous. Il se situe dans une zone dangereusement ambivalente. Les multiples scandales qui ponctuent la seule peinture française du 19e siècle - des Baigneuses charnues de Courbet à la provocante Olympia de Manet -, suffisent à le rappeler. En fonction du contexte culturel, historique ou religieux, la représentation de la nudité répond donc à des volontés différentes. Elle peut être synonyme de pureté, de naturel et de santé. Revers de la médaille, elle peut se faire obscène et provocante, pour marquer les esprits ou tout simplement titiller les sens des observateurs…


Alber Vinckenbrinck,
Adam et Eve, Ulm, 1650
© Museum für Kunst und Gewerbe
C’est à ce parcours à travers 2500 ans de nudité que convie le musée d’art et d’artisanat de Hambourg (Museum für Kunst und Gewerbe). Pour éviter une présentation chronologique qui ne saurait être exhaustive, 250 objets sont réunis de manière thématique. Se succèdent ainsi la morale religieuse, l’exotisme, la confrontation des genres, la virilité ou l’utopie nudiste… À l’intérieur de ces ensembles, les commissaires de l’exposition ont tablé sur les contrastes. Une terre cuite française du Combat d’Hercule avec Antée et Nerée rejoint une Femme ligotée de Nobuyoshi Araki pour illustrer la violence physique. Une affiche conçue par Oliviero Toscani pour Benetton côtoie une lithographie de Mucha pour le Salon des Cent illustrée par une muse dénudée,pinceaux à la main pour évoquer l’utilisation du corps dans la publicité. Un mannequin en bois articulé du 16e siècle témoigne de l’intérêt des artistes pour l’anatomie à côté d’études photographiques prises en atelier par les peintres du début du siècle. Quant au couple originel, il se trouve relégué auprès d’un montage photographique de Madame d’Ora représentant la vision d’un prêtre, une femme nue surgie de ses lectures religieuses… Une leçon d’histoire et de sociologie pleine de surprises pour mieux saisir la tendance actuelle à « tout montrer ».


 Zoé Blumenfeld
01.02.2002