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Expositions

Paysage Provençal
1925, huile sur toile
77 x 51 cm
Troyes, Musée d'Art Moderne
don P. et D. Lévy


Étude pour le "Rêve I"
1954 - 1955
crayon et aquarelle
48,7 x 37,4 cm
collection privée


La Chambre
1947-1948
huile sur toile
190 x 160,5 cm
Washington, Hirshhorn
Museum and Sculpture Garden,
Smithsonian Institution


Balthus, le testament vénitien

Jusqu'à sa mort en février dernier, le peintre a travaillé à la grande rétrospective qui vient de s'ouvrir à Venise.

Evénement culturel ou mondain ? A s'en tenir à la soirée du vernissage, on pencherait bien sur pour la seconde hypothèse. Il faut dire que le palazzo Grassi appartient à Fiat et que Gianni Agnelli, le patriarche du groupe, sait réunir du beau monde. Le 7 au soir, on pouvait donc croiser dans les salons, devant un risotto aux légumes et un saint-pierre aux artichauts, une brochette de ministres, d'hommes politiques et de managers influents. Le succès public sera-t-il au rendez-vous ? Probablement si l'on observe la couverture médiatique de l'événement. Pour le premier jour d'ouverture, le 9 septembre, on a comptabilisé environ 2000 entrées. Dans les annales du palazzo Grassi, c'est mieux que pour les expositions de peinture mais c'est décidément moins que pour les grands raouts archéologiques : les Etrusques attiraient 3000 amateurs quotidiens…

Les amateurs du secret aristocrate ont encore en mémoire les grandes manifestations de 1983, qui s'étaient tenues au Centre Pompidou et au Métropolitan Museum de New York. A Venise, les rênes sont tenues par le même commissaire, Jean Clair, conservateur du musée Picasso à Paris et auteur du catalogue raisonné de l'artiste. Fait important, Balthazar Klossowski de Rola, Balthus, a contribué, jusqu'à ses derniers jours, au choix des 250 œuvres présentées.

Un effort remarquable a été fait pour réunir des œuvres de provenances très diverses : plus de 90 musées, collections particulières et institutions culturelles de 10 pays différents ont participé à l’élaboration de cette rétrospective. Les tableaux accrochés retracent toute l’évolution du peintre, depuis les Études pour un autoportrait de 1923 jusqu’à sa toile la plus récente, Fillette à la mandoline, peinte en 2000-2001.

Si ses premiers modèles ont été Masaccio et Piero della Francesca puis Poussin, Caravage, David et Courbet, Balthus a passé sa jeunesse au contact de contemporains célèbres ou appelés à le devenir comme Rilke, Antonin Artaud, Georges Bataille, Jacques Lacan, Albert Camus ou André Malraux. Issu d'un milieu cosmopolite, intellectuel et sophistiqué, Balthus produit des œuvres qui font très tôt scandale par leur contenu érotique et dérangeant. Ses proches l’encouragent cependant dans la voie qui est la sienne. Pressentiment de sa dimension dans le siècle ? C'est Picasso, l'un de ses fervents adeptes, qui lui achète Les Enfants Blanchard en 1941… L'exposition permet de percevoir la lente évolution picturale de l'artiste vers un classicisme achevé et savant. « L'inspiration violente, moderne » selon Artaud laisse la place à des compositions dignes de «la technique de David»


 Stéphanie Magalhaes
12.09.2001