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Marché

Rembrandt, Minerve, 1635,
huile sur toile, © Otto Naumann

Enchères ouvertes pour l'ultime Rembrandt

Le marchand new-yorkais Otto Naumann présente en mars, au salon de Maastricht, Minerve. La dernière occasion d'acheter un tableau du maître hollandais ?

Le stand d’Otto Naumann sera certainement l’un des plus fréquentés lors du prochain Tefaf de Maastricht à partir du 8 mars. Le spécialiste de peinture hollandaise et flamande du 17e siècle y présentera son dernier «coup». Il s’agit d’un tableau de jeunesse de Rembrandt représentant Minerve, la déesse de la guerre et de la sagesse, en compagnie de ses attributs, le casque et le livre. Cette huile sur toile, de 137 centimètres sur 116, signée et datée de 1635 – le peintre avait alors 29 ans – a été acquise au printemps 2001 auprès de son possesseur japonais.

Détailler la provenance de l’œuvre revient à compulser le gotha européen des amateurs d’art. Propriété de Lord Somerville au 18e siècle, elle est proposée trois fois à la vente, sans succès, entre mai 1818 et mars 1819. La quatrième sera la bonne mais il faudra attendre plus d’un siècle : le 21 novembre 1924, à Christie’s Londres, elle est négociée un peu au-dessus de 6000 guinées, sous le titre Saskia en Déborah. Elle passe ensuite entre les mains de Lord Duveen, de Jules S. Bache, de Marczell von Nemes, puis de Axel Wenner-Gren, héritier de la dynastie fondatrice d’Electrolux et détenteur des brevets sur les célèbres aspirateurs. En 1965, lorsqu’elle entre dans le patrimoine d’Antenor Patiño, le roi bolivien de l’étain, elle est connue comme Saskia en Minerve. Dix ans plus tard, le 6 jun 1975, lors d’une vente menée par Etienne Ader au palais Galliera, c’est un autre capitaine d’industrie qui jette son dévolu sur le tableau : le baron Bich.

Pour Otto Naumann, il s’agit de la dernière possibilité – sauf découverte inattendue - d’acquérir un Rembrandt sur le marché. «Il existe deux autres œuvres en mains privées, l’une à Chatsworth Castle, Isaïe, l’autre dans une collection particulière en Ecosse, Judas et les quarante pièces d’argent. Mais elles n’obtiendraient certainement pas de permis d’exportation. Elles sont par ailleurs de moindre valeur, étant plus petites et peintes sur panneau. Le tableau a été soumis à une restauration, qui l’a éclairci et qui a contribué à légitimer l’évaluation annoncée. «La restauration a duré deux semaines, explique Otto Naumann. Le tableau se présentait avec une couche de vernis, si jaune et si épaisse que nous avons suspecté qu’elle avait été ajoutée dans les années vingt par son propriétaire d’alors, Lord Duveen, pour lui donner encore davantage un aspect “Rembrandt”».

Sur le stand, Minervesera proposé à 40 millions de dollars. Comment a-t-on établi une telle estimation ? «Très simplement, explique le marchand. En tenant compte des ventes comparables. Ainsi, il y a cinq ans, le Getty a acheté l’Enlèvement d’Europe pour 30 millions de dollars. Je le sais car on m’avait approché pour surenchérir ! On doit aussi citer le Portrait d’une vieille femme, qui a changé de mains pour 18 millions de livres. Et il s’agissait de deux petits panneaux, non pas d’une huile sur toile de cette dimension.» Le fait d’être la dernière œuvre connue sur le marché «libre» pourrait ajouter un «premium» substantiel à cette estimation…


 Rafael Pic
17.01.2002