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Expositions

Jean-Charles Blais : l'œuvre d'art est une aspirine

L'artiste caresse un rêve : rendre l'art aussi accessible qu'un médicament en pharmacie…


Jean-Charles Blais, Double vue
© Jean-Charles Blais
«Mon Dieu, que toutes ces estampes sont bon marché, quand on pense que pour 3 francs cinquante on peut acquérir une estampe d'un grand artiste, que pour cette somme modique on peut s'offrir un vrai régal artistique, c'est vraiment pour rien» aurait dit Proust au marchand de gravures Paul Prouté dans son magasin rue de Seine à Paris qu'il fréquentait souvent, en la compagnie d'Anatole France. Aujourd'hui, l'artiste français Jean-Charles Blais voudrait que ses oeuvres, telles des élixirs plutôt que des idées ou de la littérature, soient disponibles à des prix accessible à tous, en DVD et pourquoi pas, comme des aspirines, vendues en pharmacie !


Jean-Charles Blais, Double vue
© Jean-Charles Blais
Cet artiste contemporain propose à la vue de tous une œuvre qui dissémine les formes et fait disparaître les objets pour que l'art se libère non seulement de «la vigilance de ses propriétaires» mais aussi de sa réduction au statut d'objet fétiche, sous la «notion d'objet original». Jean-Charles Blais propose ce «vrai régal artistique» dont parlait Proust cent ans plus tôt au marchand de gravures. «Car si la valorisation de la rareté est l'une des obsessions affichées du milieu de l'art occidental, c'est aussi devenu une notion structurante pour une très large partie de la production des artistes, entravant souvent les œuvres jusqu'à les rendre inopérantes, précipitant, quelle que soit sa nature, l'objet dit de l'art, dans l'univers enchanté du cabinet d'amateur (moderne et contemporain)» écrit-il.

Ainsi, pour libérer l'art de sa «légitimation dans un système de captation financière», Jean-Charles Blais imagine une oeuvre en DVD, dématérialisée, qui nécessite pour sa visualisation l'usage d'un écran ou d'un projecteur. La nuit, à l'Espace des Arts à Chalon-sur-Saône (Bourgogne), des formes en mouvement sont projetées sur le béton de la façade de ce bâtiment des années 60, offrant un spectacle des plus poétiques. Œuvres sur papier,œuvres en train de perdre leurs corps, et œuvres numériques qui disparaissent dans la lumière et réapparaissent dans le noir, c'est le contenu de cette exposition originale intitulée «Double vue», à cause des formes qui font penser à «des petits yeux qui grandissent, comme dans les «cartoon» comme le passage de Mickey à Ellsworth Kelly» dit Jean- Charles Blais. Et, sait-on jamais, si un pharmacien prenait un jour conscience de l'effet thérapeutique de ce nouveau type de DVD proposé par l'artiste nantais, le monde pourrait en être meilleur !


 Ileana Cornéa
01.02.2002