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Expositions

Mario Schifano, une rétrospective-testament

A Rome, un hommage est rendu à Mario Schifano (1934-1998), l'un des artistes italiens les plus importants de la seconde moitié du 20e siècle.


© Galerie communale d'art moderne,
Rome
Cette première rétrospective organisée depuis sa disparition a été pensée d'une manière originale. Plutôt que de résumer une histoire esthétique aussi pléthorique que tumultueuse, les commissaires Monica Schifano (qui dirige la Fondation Schifano) et Barbara Tosi, ont voulu créer un parcours initiatique permettant au visiteur de se familiariser avec les différents aspects de l'œuvre du peintre. Ce voyage dans l'œuvre de Schifano commence par une évocation de son atelier romain du Trastevere, qui a été non seulement un lieu d'alchimies plastiques, mais aussi un lieu de rendez-vous des artistes, critiques, écrivains, amateurs et marchands d'art de toute l'Italie et du monde entier — un vrai salon littéraire revu et corrigé par Fellini.


© Galerie communale d'art moderne,
Rome
Dans la seconde salle, un choix de 34 tableaux montre les étapes les plus importantes des années 60 à la fin des années 90. C'est-à-dire de l'époque où il avait adapté et recomposé les principes du post-minimalisme américain dans une optique personnelle jusqu'aux paysages «enfantins» des dernières années, en passant par les toiles qui ont marqué la naissance du Pop Art italien à son retour des États-Unis, où il séjourne en 1962. Ainsi, de Splendido e astratto, œuvre de ses débuts marquée par un dépouillement absolu qui ouvre un cycle de relations intimes et ambiguës entre l'écriture et ses espaces abstraits et monochromes, aux merveilleux Onze paysages italiens des années 70 jusqu'à la récente Muse auxiliaire, où l'artiste voue un culte ironique aux nouveaux moyens d'expression offerts par la technologie de pointe, le spectateur évolue dans ce labyrinthe comme au sein d'un «Théâtre de la Mémoire». Il découvre les principaux moments de son aventure et pénètre dans son univers grâce à plusieurs clefs de lecture, réelles ou virtuelles. La pérégrination s'achève par des courts métrages sur les collections privées où sont conservées certaines de ses créations majeures, un certain nombre ayant été pensées spécifiquement pour ces lieux privilégiés.

Mario Schifano avait refusé la titanesque rétrospective qu'Agnelli lui avait proposé d'organiser au sein du Lingotto de Turin. Il aurait préféré recouvrir les espaces publicitaires de la péninsule d'affiches géantes dessinées par ses soins ! Un jour, dans l'avenir, une telle rétrospective s'imposera. Mais, pour l'heure, cette exposition présente avec perspicacité l'originalité de la pensée esthétique d'un homme qui ne cessait jamais de peindre le monde et de revisiter l'art ancien et moderne «les yeux fermés», avec une intelligence féroce n'excluant pas une générosité sans bornes.


 Gérard-Georges Lemaire
18.02.2002