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Patrimoine

Une reine dans un jardin anglais

On donne ce lundi, au château de Windsor, le premier coup de pioche d’un nouveau jardin. Un événement qui doit marquer le 50e anniversaire de l’accession au trône d’Elisabeth II.


Vue aérienne de Windsor,
photo : Chorley Handford
The Royal Collection
© 2002, Her Majesty
Queen Elizabeth II
Les préparatifs pour le jubilé de la reine Elizabeth battent leur plein. Le dernier événement annoncé est la création d’un jardin : une initiative au succès inévitable au pays du Chelsea Garden Show, qui attire chaque année plusieurs centaines de milliers de visiteurs en quelques jours. Le paysagiste auquel a été passée la commande, Tom Stuart-Smith, y a d’ailleurs reçu trois médailles d’or, entre 1998 et 2001, pour des compositions commandées par des clients français, Laurent Perrier et Chanel. Le lieu choisi est hautement symbolique ; c’est le château de Windsor, où Guillaume le Conquérant installa, dès 1066, un parc aux cerfs. La parcelle, d’une surface de 0,82 hectares, est dans l’enceinte même du château, près de l’entrée. «Elle est actuellement couverte d'une pelouse et d'un parking, explique Tom Stuart-Smith. Mon approche est simple : il est impossible de se mesurer à l'échelle du château tant il est imposant. Il s'agit simplement d'améliorer ses abords. Je ne veux pas que l'on dise, plus tard, «Ce jardin est extraordinaire!» mais simplement «Comme le château est bien mis en valeur!»»


Tom Stuart-Smith,
photo : Virginia Liberatore
Deux siècles après Guillaume, les chroniqueurs mentionnent déjà un jardin clôturé. Sept siècles et davantage ont passé, le château de Windsor est toujours habité – c’est d’ailleurs le plus grand château habité au monde – et le jardin est encore là, beaucoup plus sophistiqué. Un document de 1607, consacré à la British Library, le Survey of the Honour of Windsor, décrit de façon détaillée l’agencement de l’époque. En plus des deux cours intérieures, où sont cultivés les herbes aromatiques pour la cuisine et les simples à usage médical, on trouve un grand verger. A la fin du 17e siècle commencent les grandes manœuvres. Les terrains qui n’appartiennent pas encore à la couronne sont achetés en vue de créer un grand parc. On contacte le vieux Le Nôtre, alors octogénaire, qui délivre un plan. Il ne sera jamais mis à exécution mais on en garde la trace dans un document conservé à Stockholm. Au 18e siècle, on crée le premier lac artificiel et on introduit – noblesse oblige – le jardin à l’anglaise, volontairement «sauvage». Le duc de Cumberland, bourreau des Ecossais à la bataille de Culloden et par ailleurs fils du roi, fait acclimater des essences exotiques. Au 19e siècle, la folie du jardinage saisit la famille royale. Princes et princesses manient la bêche, on produit à Windsor des tombereaux de fruits et légumes. Au 20e siècle, de célèbres paysagistes interviennent, notamment Russell Page et Eric Savill et les jardins sont enfin ouverts au grand public.

«L'époque importante pour moi, ce sont les années 1820-1830, poursuit Tom Stuart-Smith, lorsque l'architecte Wyatville donne au château le caractère pittoresque de «gothic revival» qu'il a conservé jusqu'à aujourd'hui. Nos plantations laisseront le château visible, en insistant sur cet aspect romantique. Il n'y aura qu'une quarantaine d'arbres, d'une hauteur maximale de 7 ou 8 mètres. Ce seront les mêmes essences que celles qu'on aurait pu planter alors : chêne vert, hêtre, figuier ou chêne liège - avec lequel la famille royale pourrait produire ses propres bouchons ! Peu d'arbres mais beaucoup de fleurs, bien sûr !»


 Rafael Pic
28.01.2002