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Expositions

Quand les Bouddha découvrent l'Europe…

Après avoir fait sensation à Pékin et Hongkong, une trentaine de sculptures bouddhiques découvertes en 1996 sont exposées à Zürich.


Bouddha debout,
dynastie des Qi du Nord,
125 cm, Musée de la ville
de Qingzhou, Shandong
© Photo: Jürgen Liepe
Avant 1996, la petite ville de Qingzhou sur la presqu’île de Shandong, au bord de la mer Jaune, était totalement inconnue. Mais, alors que des terrassiers construisent un nouveau terrain de sport au milieu d’un ensemble d’immeubles en béton, ils découvrent un amas de pierres aux formes curieusement anthropomorphiques. Avec l’aide des archéologues appelés en renfort du musée voisin, ils mettent à jour un ensemble de plus de 300 statues bouddhiques taillées dans un calcaire de la région et portant encore des traces de polychromie et de dorure. L’analyse révèle que ces œuvres ont été conçues en une trentaine d’années, entre 520 et 577 ap. J.-C., une période charnière pendant laquelle l’austère rigidité des reliefs cède la place à des rondes-bosses modelées avec finesse, profondément marquées par l’influence indienne de l’art Gupta.


Triade avec une mandorle,
fin de la dynastie des Wei du
Nord, 95 cm, Musée de la ville
de Qingzhou, Shandong
© Photo: Jürgen Liepe
Outre qu'elles sont de superbes exemplaires de l’art chinois du 6e siècle, ces sculptures témoignent de l’histoire du bouddhisme. Conçues à une époque où la religion était encore relativement nouvelle en Chine, elles illustrent son ancrage dans la piété populaire. Loin d’être des œuvres issues de grands monastères entretenus par la cour et la noblesse, ces Bouddha et Bodhisattva étaient des offrandes faites aux temples et aux sanctuaires locaux par des fonctionnaires, des marchands ou des paysans de la région. Par ailleurs, ces statues ont été mutilées, sans que l’on puisse savoir si les atteintes proviennent d’un tremblement de terre, d’un incendie ou d’un mouvement iconoclaste lié aux persécutions dont les bouddhistes furent l’objet à la fin du 6e siècle. Mais contrairement à ce que les experts avaient tout d’abord supposé, leur regroupement est beaucoup plus tardif. Comme l’indiquent les 119 pièces de monnaie présentes dans la fosse, elles ont été enfouies 500 ans après, à moins de 2 mètres de profondeur dans un trou de 9 mètres sur 7, soigneusement empilées et recouvertes de nattes de jonc. Un élan de dévotion que perpétueront sans doute les visiteurs du musée Rietberg de Zürich, qui réunit exceptionnellement 33 de ces œuvres avant qu’elles ne s’envolent pour la Royal Academy de Londres.


 Zoé Blumenfeld
06.02.2002