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Expositions

Oscar Niemeyer, Musée d’art contemporain
de Niteroi, Rio de Janeiro, 1991-2001
© Photo : Michel Moch / Jeu de Paume

Niemeyer, l'homme de Brasilia

La galerie Nationale du Jeu de Paume célèbre le plus moderne des architectes brésiliens, toujours actif à 95 ans.

C'est souvent triste, une exposition consacrée à l'architecture. Maquettes patinées, photographies trafiquées, croquis sévères... Bien souvent, il ne s'agit que d'évoquer l'avant ou l'après de l'œuvre. L'essentiel n'est jamais là. Aussi l'actuelle rétrospective Niemeyer de la galerie Nationale du Jeu de Paume mérite-t-elle un double coup de chapeau : non seulement l'artiste célébré est exceptionnellement talentueux, mais, en plus, la présentation a été réfléchie avec une grande intelligence. Point d'orgue : la très grande salle de projection, dans laquelle un beau documentaire, signé Marc-Henri Wajnberg (2001), propose un tête à tête avec le vieil artiste (95 ans), émouvant et époustouflant. Alternant les visites guidées des plus beaux bâtiments réalisés avec des documents d'archives restituant l'histoire de son Brésil natal, et avec de longs entretiens - durant lesquels Oscar donne souvent force à ses propos en les illustrant de croquis simples et sûrs -, l'ensemble est délicieux. Quel est le désir de nous tous ? s'exclame, par exemple, Fidel Castro, un Niemeyer éternel.


Oscar Niemeyer, Brasilia.
On passe ensuite avec plaisir de salles en salles, sur deux étages, à travers les maquettes, présentées sous des globes en plexiglas, et de grands tirages photographiques éclatants. Les coques de béton blanches dessinées par le maître, qui s'inspire du ventre des oiseaux et du cours des rivières, y éblouissent, sous les cieux sud-américains. Ici et là, de grands croquis témoignent d'un coup de crayon définitivement inspiré. «Ce qui m'attire, c'est la courbe sensuelle, aime répéter Oscar.

Grouillant d'étudiants en architecture foulant le parquet (recouvert, dans l'une des salles, d'un vaste plan de bâtiment), le vernissage s‚est déroulé dans une bonne humeur certaine. Même Jack Lang est passé inaperçu, tant chacun s'appliquait à suivre le fil chronologique des bâtiments présentés. 1940 : premières coques en béton, sept ans avant les travaux français de Le Corbusier. 1956 : la cité de Brasilia toute entière, imaginée et bâtie en dix ans ; un rêve de Brésil égalitaire et riche, «une vision qui ne s'est pas concrétisée» ; ce pourquoi Niemeyer, durant la dictature qui suivit, s'engagea résolument aux côtés du parti communiste. 1967 : l'exil en France, et, grâce à l'intervention de Malraux, la construction du siège parisien du P.C.F. ; puis la Maison de la Culture du Havre (1972), l'université de Constantine (1969), et tant d'autres machines à bien vivre encore, jusqu'à ce récent projet de mosquée aux allures de macaron, pas encore réalisée. «Le béton armé permet à l'architecte qui a le sens de la poésie de s'exprimer». Si vous en doutez, rendez-vous avec Oscar. Il saura vous convaincre.


 Françoise Monnin
05.02.2002