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Expositions

La région où la terre est sculpture

Le musée du Louvre révèle une production régionale originale : les terres cuites du Maine. À la découverte de la sculpture religieuse entre Angers et Le Mans.


La Vierge à l'Enfant
paris, musée du Louvre
RF 4395
© Musée du Louvre
En attendant la grande rétrospective qui aura lieu à l’abbaye de l’Epau près du Mans, en 2003, l’exposition du musée du Louvre donne un aperçu de la production sculptée de la région au 16e et au 17e siècle. Réparties par thèmes, les 45 œuvres présentées illustrent les principales figures religieuses, de la Vierge aux différents saints. Riche d’une matière première abondante, l’argile, le Maine possède un certain nombre d’ateliers de sculpteurs spécialisés dans les commandes religieuses. D’autre part, la présence d’ensembles sculptés de Germain Pilon dans l’église de Notre-Dame-de-la-Couture du Mans a influencé les artistes locaux. Réalisées par moulage puis par modelage, les sculptures témoignent d’une grande cohérence dans la fabrication. Souvent composées de parties distinctes, elles relèvent toutes d'un séchage méthodique et d'une riche polychromie. Malheureusement, les actes iconoclastes et les démembrements des retables ont eu raison de nombreuses sculptures religieuses de cette période.

Dès la première salle, des groupes sculptés de grande dimension illustrent le thème de la Nativité. L’œuvre de Gervais Ier Delabarre se caractérise par la noblesse de l'ensemble : 10 figures, d’environ un mètre de hauteur, entourent un Enfant Jésus accoudé de manière désinvolte sur la mangeoire. Dans des proportions plus modestes, la Nativité de Nicolas Bouteiller (1630-1696), prêtée par le musée Tessé du Mans, illustre l’art de la région de la Flèche. Le thème de la «Sainte Anne âgée» fait partie de l’iconographie favorite des artistes de la région, à l’exemple de cette Education de la Vierge, de Saint-Martin de Pontlieue. L’influence de la Vierge (1570) de Germain Pilon est bien présente dans cette Vierge debout tenant l’Enfant sur son bras gauche d'un artiste anonyme.


Charles Hoyau, Sainte Cécile
ouant de l'orgue

Le Mans, cathédrale Saint-Julien
© Inv.gen. ADAGP /F. Lasa
Une grande partie de l’exposition rend hommage au travail de Charles Hoyau, sculpteur des statues de la cathédrale du Mans. Ainsi la Sainte Cécile jouant de l’orgue (1633), commandée par le chanoine Bernardin le Rouge pour décorer l’autel de Sainte-Marthe, siège au centre de la pièce entre un Christ d’Ascension et une parade de saints. Cette sculpture a été libérée du badigeon qui la recouvrait et présente aujourd’hui sa polychromie originale. Si des restaurations abusives ont été infligées aux œuvres durant le 19e siècle, l’exposition fait état des sculptures en cours de nettoyage comme cette Vierge de Pitié libérée des couches de surpeints qui la recouvraient. Parmi les créations de Hoyau, cette Déploration mettant en scène un Christ assis et non allongé conformément à la tradition. Manteau bleu et blanc orné de lisérés rouges, robe dorée et motifs de sgraffitto, voile blanc, yeux bleus donnent à l’œuvre toute sa fraîcheur. La martyre romaine, Sainte Emerance, également attribuée à l’artiste, ne fait que confirmer ce raffinement.

Etienne Doudieux (1638-1706), artiste très actif dans la seconde moitié du siècle, n’a pourtant signé qu’une seule œuvre : le Saint Pierre de l’église de Loué en 1666. Entre la Sainte Barbe de la Ferté-Bernard et le Saint Christophe récemment restauré, La Charité de saint Martin, attribué à Matthieu Dionise, se caractérise par des couleurs vives, une grande richesse des détails et un costume proche des vêtements seigneuriaux contemporains. Des témoignages rendent à Pierre Biardeau les statues de la chapelle de la Roche-Chardonnet à Beuillé, près de Saumur : Sainte Juliette et Saint Paul, pendants éventuels de la Vierge à l’Enfant du Metropolitan Museum de New York. Si l'influence de Germain Pilon est bien présente, certains artistes n’hésitent pas à puiser dans un héritage plus lointain. Issu de l’église de Notre-Dame d’Evron, le Saint Sébastien (1634), attribué à Charles Hoyau, s’inspire des Esclaves de Michel-Ange.


 Stéphanie Magalhaes
11.02.2002