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Musées

Le jugement dernier, par le Maître de San Martino alla Palma, fin 13e siècle © Musée Fesch, Ajaccio


La Corse retrouve son Jugement dernier

Dérobé le 28 août au musée Fesch d'Ajaccio, le tableau d'un primitif italien a été retrouvé mercredi 5 septembre dans une église de Porto-Vecchio. Le conservateur, Jean-Marc Olivesi, revient sur l'affaire.

Le tableau a été volé et retrouvé dans des conditions rocambolesques
Jean-Marc Olivesi.
Il a été subtilisé le 28 août dernier par une personne qui a réussi à annihiler l'alarme. C'était le premier vol que nous ayons eu à déplorer au musée. Nous interdisons aux visiteurs d'entrer dans les salles avec de grands sacs. Mais le tableau est tellement petit (32 x 26 cm) et fin - un panneau de bois de moins de 2 cm d'épaisseur - qu'on peut l'emporter en le glissant dans sa chemise ! Le voleur l'a désolidarisé du cadre. Le tableau a été retrouvé hier, derrière le maître-autel de l'église Saint-Jean-Baptiste à Porto-Vecchio. Un petit mot était apposé sur le tableau : « Musée Fesch, Ajaccio »…

Comment expliquer cette restitution étrange ?
Jean-Marc Olivesi.
Le tableau a été retrouvé à Porto Vecchio, qui est le grand port du trafic de marchandises. Le voleur pensait sans doute l'emporter en Italie pour le vendre. Mais lorsqu'il a réalisé que la police de l'air et des frontières était sur le pied de guerre, il a dû se rendre compte de la difficulté de l'opération. Le jour du vol, le plan Athéna a été déclenché par l'OCBC et aucun bateau de plaisance n'est sorti du port sans avoir été fouillé. Ce tableau est par ailleurs connu des spécialistes, il figure dans le catalogue qui a accompagné l'exposition des primitifs italiens du musée Fesch au Louvre en 1986 et est donc impossible à écouler auprès d'un marchand. Notre crainte était que le vol ait été réalisé sur commande, pour un collectionneur, ce qui l'aurait retiré du marché.

Décrivez-nous le tableau.
Jean-Marc Olivesi.
Ce n'est pas le plus beau de nos primitifs italiens mais l'un des plus anciens. Il date de 1330 environ et a été attribué au maître de San Martino alla Palma. Il faisait partie de l'extraordinaire collection du cardinal Fesch. L'oncle de Napoléon avait réuni 16000 tableaux et plus de 1000 marbres antiques dans son palais romain, où il a vécu en exil depuis la chute de Napoléon jusqu'à sa mort en 1839. Le cardinal n'a pas volé ses tableaux comme on le dit parfois. Il a simplement profité d'une mesure de Napoléon qui a imposé les droits de succession, auxquels la noblesse romaine n'était pas assujettie auparavant. Pour s'en acquitter, de grands patriciens ont vendu une partie de leurs collections, que le cardinal s'est empressé de racheter. Après sa mort, la plupart de ses tableaux ont été vendus et il s'en trouve dans les plus grands musées du monde. De ses 250 primitifs, nous en conservons 42 au musée Fesch. Dont ce Jugement Dernier, désormais célèbre…




 Rafael Pic
07.09.2001