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Musées

Tête d'Oba
© Museum für Völkerkunde, Leipzig

Leipzig garde ses bronzes

À l'heure où le British Museum fait face aux demandes de restitution nigérianes, le musée anthropologique de Leipzig réussit à conserver sa collection…

À Londres, le climat n'est pas au beau fixe depuis que le président du parlement nigérian, Olusegun Obasanjo, insiste pour la restitution d'artefacts conservés depuis un siècle au British Museum. L’Allemagne voit au contraire s’achever une longue épopée judiciaire dont l'enjeu était également constitué par des œuvres du royaume du Bénin. Depuis près de dix ans, le musée d’anthropologie de Leipzig était en conflit avec les héritiers de l’un de ses plus importants donateurs, l’éditeur et explorateur, Hans Meyer (1858-1929)… En 1898, Hans Meyer prend part à l’une des plus célèbres ventes aux enchères d’art primitif. Pendant celle-ci, le Foreign Office de Londres disperse 2000 œuvres - plaques de bronze, têtes d’Oba et autres ivoires sculptés - pillées un an auparavant, pour couvrir les frais de l’expédition punitive menée par les troupes coloniales britanniques qui ont incendié la ville de Bénin (actuellement au Nigéria) et mis à sac son palais royal. La plupart des pièces acquises par Hans Meyer à des prix modiques rejoindront des collections muséales, celles de Stuttgart, Vienne, Stockholm, Saint-Pétersbourg mais aussi Leipzig, sa ville natale. «Les œuvres offertes par Hans Meyer au musée ont intégré les collections entre 1900 et 1919. Mais les documents juridiques testamentaires n’étaient pas très précis à leur sujet. Et après la réunification de l’Allemagne, ses enfants et ses neveux ont décidé de nous attaquer en procès», explique Claus Deimel, le directeur de l’établissement.

Avec ses 53 œuvres, la collection de Leipzig n’est pas l’une des principales. «Elle est même relativement petite comparée de celles de Berlin, Vienne ou Londres… En fait, il n’y a guère que les musées français pour préférer acquérir des têtes Nok», ironise Claus Deimel. Le combat n’en est pas moins important. «Conserver ces œuvres, pour nous, c’était éviter qu’elles ne se retrouvent sur le marché puis entre des mains privées. De nos jours, rares sont les musées anthropologiques à pouvoir rivaliser avec les collectionneurs…» Cette histoire a connu lundi dernier un heureux dénouement. Le Land de Saxe, la Fondation fédérale pour la culture, la ville de Leipzig et différentes fondations privées ont racheté la collection pour un prix fixé en décembre dernier à 6,9 millions €… soit mille fois plus qu’il y a un siècle.


 Zoé Blumenfeld
04.02.2002