Quand Cologne investit les thermes de Lutèce

Il faut remonter à l’exposition de 1996, Un trésor gothique, la châsse de Nivelles, pour comprendre les relations entretenues entre les deux établissements. Créés tous deux par des collectionneurs passionnés au 19e siècle ; le chanoîne Alexandre Schnütgen pour Cologne et Alexandre Du Sommerard pour Paris, ces deux musées conservent les plus importantes collections d’art médiéval en Europe : sculptures en bois, pièces en bronze, argent et ivoire, vêtements liturgiques, textiles et vitraux. Actuellement en travaux, le musée Schnütgen de Cologne fait circuler ses chefs-d’œuvre entre Darmstadt, New York et Paris. «La distribution des trésors s’est faite en parfaite cohérence avec les fonds permanents des lieux d’accueil. Ainsi une importante collection d’ivoires est venue compléter les œuvres présentées à Darmstadt» précise Julia Fritsch, conservateur au musée de Cluny. Au total, quatre salles sont investies de manière discrète par les pièces maîtresses de la collection allemande. Pour l’occasion, une nouvelle signalétique a été mise en place afin de faciliter la visite et d'attirer l'attention sur les œuvres invitées.

«En dépit de la fragilité des œuvres, nous avons obtenu l’accord des restaurateurs pour faire voyager quatre pièces en bois polychrome, caractéristiques de la production de Cologne du 13e au 15e siècle». Acquise par le musée Schnütgen en 1999, la Sainte Anne Trinitaire, groupe sculpté en bois de tilleul de la fin du 15e siècle, prend place aux côtés du Retable du maître de Kaltar dans les salles de sculptures à l’étage du musée. «Nous avons conservé le titre original de l’œuvre bien que l’Enfant ait disparu». Représentatifs du culte des onze milles vierges de Cologne, le Buste reliquaire d'une compagne de Sainte Ursule témoigne d'une recherche de perfection propre au style gothique international. Le Buste-console de jeune femme en pierre calcaire du 13e siècle fait partie des pièces majeures produite par l’atelier des Parler. L’emblème de cette dynastie d’artistes, composé d’un T, orne le corsage de cette femme à la coiffure imposante. «Ces artistes étaient actifs entre la Bohème et Strasbourg à la fin du 14e siècle. Issue des fouilles aux alentours de la cathédrale, la sculpture a conservé toute sa fraîcheur.»De la face orientale du maître-autel de la cathédrale provient un bas-relief en marbre blanc du 14e siècle : l’Adoration des Mages, tirée des quatre scènes de la vie de la Vierge. «Ce maître-autel est considéré comme une pièce majeure de la sculpture colonaise du début du 14e siècle. La pièce que nous présentons a échappé aux restaurations du 19e siècle». Son exposition aux côtés d’une Présentation au temple du musée de Cluny permet de comparer deux types de créations.

«Nous ne pouvions passer à côté du coussin en tapisserie représentant une Jeune fille à la licorne. Très courantes dans les intérieurs seigneuriaux de la fin du Moyen-Âge, ces œuvres étaient de fabrication locale ». Véritable symbole du musée de Cluny, la jeune licorne ne rejoindra pas la célèbre tapisserie pour des raisons de sécurité. L'Homme sauvage en bois de chêne de la fin du 15e siècle illustre également un thème récurrent au Moyen-Âge. L'homme velu au regard mélancolique se protège du diable, dont la figure a disparu. Cette pièce devait être un élément d'une jouée de stalle. Les vestiges de Notre-Dame-de-Paris accueillent le Joueur de viole, plaque de calcaire retrouvée près de la cathédrale. Ce haut-relief, certainement accompagné de musiciens et de danseurs, devait appartenir au décor de l'église romane. Une première expérience qui ne fait que confirmer la volonté du musée national du Moyen-Âge de s’ouvrir sur la création européenne comme en témoigne sa dernière donation : une Vierge catalane de l’atelier de Taüll.