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Expositions

Rockwell réchauffe le cœur des New-Yorkais

L’exposition consacrée à l’illustrateur américain Norman Rockwell prend une résonance nouvelle à New York, après les événements du 11 septembre.


Liberté de ne pas être dans le
besoin
, 1943, Huile sur toile
pour le «Saturday Evening Post»
© The Curtis Publishing Company
Collection
La carrière de Norman Rockwell (1894-1978) est étroitement liée à la revue américaine «Saturday Evening Post». Pendant 47 ans, l’artiste a réalisé des couvertures pour ce magazine. Dès ses débuts, à peine sorti d’une école d’art, il connaît un véritable succès populaire. Il obtient sa première commande, quatre cartes de Noël, à l’âge de 16 ans. Cette exposition, qui a fait le tour des Etats-Unis, rassemble 70 peintures à l’huile et l’ensemble des 322 couvertures réalisées pour le «Saturday Evening Post». Pour éclairer la pratique et la méthode de l’artiste, ses œuvres sont accompagnées de croquis, d'esquisses, de photographies et d’études au crayon et à l’huile.


Fille au miroir, 1954, Huile
sur toile pour le «Saturday
Evening Post» © The Curtis
Publishing Company
Collection
Bien que programmée depuis trois ans, l’exposition ouverte le 3 novembre 2001 au Guggenheim, semble faire étrangement écho à l'élan patriotique américain dû aux événements du 11 septembre. «C’est une mystérieuse coïncidence, confirme Vivien Greene commissaire d’exposition. Cette rétrospective est arrivée à New York à un moment où l’émotion était à son comble dans la ville et où plus que jamais le besoin de se reconnaître en tant qu’Américain se faisait ressentir». L’artiste a en effet beaucoup contribué au développement de l’image de l’Amérique et du sens de la nation. Rosie la riveuse, par exemple, décrit une ouvrière musclée prenant son déjeuner, sa machine encore sur ses genoux. En fond, apparaît le drapeau américain. «Cette image a été réalisée en 1943, donc pendant la Seconde Guerre mondiale, et montre comment les femmes se sont associées à l’effort de guerre. Elle parle de patriotisme, mais c’est aussi une étonnante vision féministe...» explique Vivien Greene. Le tableau qui touche le plus les visiteurs est tiré de la même série, inspirée d’un discours du président Roosevelt sur les droits de la personne. Il s’intitule Liberté de ne pas avoir peur et représente des parents mettant leur enfant au lit. Dans les mains du père se trouve un journal, dont un des articles fait référence aux bombardements en Europe. «Il y est évidemment question de sécurité aux Etats-Unis. Cette œuvre prend un sens bien plus fort après les événements du 11 septembre, car les attaques n’ont plus seulement lieu dans d’autres pays !».


Le problème avec lequel nous vivons
tous
, 1964, Huile sur toile, pour le
magazine«Look» © The Curtis
Publishing Company Collection
«On a reproché à Norman Rockwell de n’avoir dépeint qu’une partie de l’Amérique : la classe moyenne blanche. Mais il faut comprendre qu’à son époque, il n’aurait pas été possible de mettre en couverture d’un grand magazine américain des personnes de couleur.» précise Vivien Greene. À sa manière pourtant, Rockwell a abordé les questions sociales et le racisme. Le problème avec lequel nous vivons tous raconte l’histoire de la première petite fille noire a avoir été admise dans une école de Blancs. Constamment menacée, elle devait être accompagnée par deux policiers pour aller en classe. Les restes d’une tomate, jetée sur le mur qu’elle longe, symbolisent les agressions dont elle est victime. «Norman Rockwell est une figure culturelle essentielle en Amérique. conclut Vivien Greene, Tout le monde connaît ses œuvres, même ceux qui ne s’intéressent pas à l’art. Ce n’était peut-être pas un très grand peintre, mais c’était un très grand illustrateur. Son travail original témoigne remarquablement de l’Amérique au 20e siècle...».


 Laure Desthieux
20.02.2002