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© Lucia Costantini

Lucia Costantini, dentellière

Habito est une composition en fil de cuivre, inspirée de la mode vénitienne du 18e siècle. Il a été entièrement fait au point de Burano.

Cet objet est une réélaboration contemporaine du peterlè, une petite veste vénitienne du milieu du 18e siècle, avec des volants sur les côtés. J’ai fait beaucoup de recherches sur le 18e siècle vénitien, qui était la grande époque du luxe. J’ai pris des fils de cuivre pour imiter les fils d’or. Je n’ai d’ailleurs trouvé ces fils qu’en France car il me fallait un cuivre recuit, qui casse moins. C’est amusant car, il y a deux siècles déjà, la mode venait de France et nous en avons conservé la terminologie. Nous disons «guipure», «picot», «point rosaline», «point coraline»… Cet Habito a un aspect très «matiériste». Il ressemble un peu à une toile d’araignée. On peut aussi bien le porter que l’admirer comme une sculpture.

J’y ai travaillé pendant six mois, tous les jours. Le travail est très long, minutieux et il faut créer une trame compliquée avec de grandes feuilles de papier. Habito a été exposé en octobre 2000 au Grand Prix Reine Fabiola à Bruxelles, une biennale qui est la seule exposition internationale consacrée à la dentelle, où il a fait partie des dix lauréats. Il y sera réexposé cet automne. Sa valeur ? On m’a proposé de l’acheter mais j’ai pour l’instant refusé. Il est actuellement assuré pour 80000 euros par les Assicurazioni Generali. Il pourrait peut-être entrer au palazzo Mocenigo, qui est le musée du costume vénitien du 18e siècle.

Autrefois, à Burano, dont je suis originaire et où je continue d’habiter, on apprenait la dentelle dès l’enfance avec sa mère, sa grand-mère et les voisines, à l’extérieur sur la petite place, le campiello. A la grande époque, les dentelles étaient polychromes, avec des matériaux extraordinaires : or, argent, soie et autres. Un roi de France, Louis XIV, avait même commandé à Venise un collier de cheveux blancs ! Désormais, on n’utilise plus que le fil de coton. Aujourd’hui, j’ai 48 ans, je fais partie de la dernière génération. Ce savoir va disparaître et j'en suis très attristée. Nous avons à Venise une école d’art, où l’on étudie le verre, le tissu mais pas la dentelle. Je serais heureuse qu’on puisse y créer cette spécialisation.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
04.03.2002