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Expositions

L'antiquité italienne réinventée

Entre 1810 et 1950, les pensionnaires de l'Académie de France à Rome ont illustré les sites archéologiques avec, parfois, un zeste d'imagination…


Maurice Boutterin, Palais de
Tibère à Capri
, 1913
© ENSBA
Avec « Italia Antiqua », l’École nationale supérieure des beaux-arts clôt une série d’expositions débutée il y a vingt ans et consacrée aux envois de Rome. Une nouvelle occasion est donc donnée de découvrir les dessins réalisés au 19e et au 20e siècles par les architectes lauréats du Grand Prix de Rome, lors de leur séjour à la Villa Médicis. Après Pompéi, Athènes et Rome, on découvre ici les études consacrées à des sites variés des environs de Naples mais aussi de Brescia, Vérone, Baalbeck, Split ou Palmyre, une place d’honneur étant réservée à Tivoli, sa villa Hadriana et ses temples.

Pour chacun des sites et des monuments, on trouve les travaux d’un ou plusieurs pensionnaires, constitués de relevés des états actuels et de «restaurations», les propositions de restitution graphique s’appuyant sur une étude précise des ruines et sur des témoignages historiques ou littéraires. Ainsi réunis, les dessins dressent un état des connaissances archéologiques. Ces études envoyées en fin de quatrième année n’étaient-elles pas la propriété de l’État, conservées dans la bibliothèque de l’École pour servir de modèle aux élèves n’ayant pas l’opportunité de faire le voyage ? Ainsi, entre les années 1820 où Lucien-Tyrtée Van Cleemputte dessine les petits temples circulaires de la Sibylle et de Vesta à Tivoli et la fin du siècle où François-Benjamin Chaussemiche reconstitue les décors du temple de Jupiter Anxur à Terracina, force est de constater que les thèses de Jacques-Ignace Hittorff sur la polychromie des monuments antiques ont convaincu…


Emile-James-Samuel Ulmann,
Le temple de Vespasien à Brescia,
1875 © ENSBA
Pourtant, le plus frappant dans cette centaine de dessins de grand format, c’est l’originalité, la patte des artistes. Sur les relevés de fouilles, elle est sensible à travers la technique utilisée - le trait, le lavis noir ou l’aquarelle aux teintes vives - et la mise en page qui laisse toute la place à une vue d’ensemble ou juxtapose détails, coupes et plans. Elle se traduit également par le choix de représenter les ruines dans leur site ou de les en extraire. Mais cette vision personnelle s’exprime pleinement dans les restaurations. Sur certaines planches, la rigueur scientifique cède le pas à l’imagination. En 1909, Ernest-Michel Hébrard fait défiler les soldats en armure devant la façade fortifiée du Palais de Dioclétien à Split tandis qu’un cavalier frappe à la porte. Quant à Maurice Boutterin, il projette ses restaurations du Palais de Tibère à Capri dans des atmosphères changeantes : un ciel bleu éclatant côté jardin et une ambiance orageuse et menaçante pour l’autre versant… Une manière pour l’artiste de se réapproprier le lourd héritage antique ?


 Zoé Blumenfeld
25.02.2002