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Expositions

Christopher Croft ou l’art du détournement

L’ambassade d’Australie accueille la première rétrospective française d’un peintre né à Melbourne et installé à Paris.


Portrait d'acteur, 2002
huile sur toile, 120 x 95 cm
© ADAGP
Il ne faut pas se fier à l’apparence de blockhaus de l’ambassade d’Australie… C’est l’œuvre d’un artiste plein de poésie et d’humour, Christopher Croft, qu’elle accueille pour un mois. Au premier abord, on ne voit que de grandes peintures bien léchées, aux couleurs presque dissonantes. Des figures humaines, aux trognes résolument contemporaines, semblent apposées dans des intérieurs un peu froids et comme laissés à l’abandon. Mais, dès que l’on s’y arrête un peu, ces scènes réalistes et «proprettes» se révèlent truffées de contrastes intrigants et amusants. Là où on avait cru voir deux ouvriers du bâtiment ayant interrompu leurs travaux de forage, on découvre deux joueurs de golf répartis de part et d’autre d’une crevasse. À ce jeu de l’image s’ajoute celui des mots. Le Monument à l’artiste n’est rien d’autre d’un amoncellement pyramidal de crayons, de gommes et de taille-crayons. Et le gardien de musée assoupi auprès d’une monumentale hélice dans une salle du musée des sciences et techniques de Milan prend le nom de Voltaire, tandis que la ville se trouve tout à coup dotée d’une tour Eiffel… Allusion à ses rêves, peut-être?

Ce ne serait pas une surprise dans la mesure où l’artiste est passionné par l’univers onirique et par l’imaginaire. L’un des plus beaux exemples de cet intérêt est sans doute la petite série des Animaux rêvant. Après avoir lu un article scientifique sur l’amplitude de l’électroencéphalogramme des ornithorynques endormis, il décide de reprendre l’une de ses premières œuvres majeures, les eaux-fortes gravées en 1979 pour constituer un abécédaire des animaux australiens. De ces études, il tire des aquarelles très réalistes auxquelles il accole des rêves en noir et blanc, grâce à une singulière technique. Il retrouve dans ses archives des cartes postales anciennes qu’il photocopie puis transfère sur ses planches grâce à du white spirit… D’où une image un peu floue qui nous plonge dans l’imaginaire d'un marsupial hanté par la croissance des grandes villes ou dans celui d'un kangourou rêvant à ses hypothétiques cousins, les chameaux des caravanes du Sahara !


La découverte de la peinture, 1997
huile sur toile, 112 x 135 cm
© ADAGP
Véritable rétrospective miniature, cette exposition réunit des tableaux de grand format, de petites toiles, témoins de projets qui n’ont pas toujours été menés à bien, des œuvres graphiques et quelques sculptures. Elle retrace dans le désordre le cheminement de l’artiste, depuis l'abécédaire inaugural, dont certaines planches sont actuellement exposées au Salon d’art contemporain du Muséum d’histoire naturelle, jusqu’à une série achevée il y a quelques mois, les Portraits d’acteurs. Un aperçu qui plonge dans l’univers d’un homme qui manie l’art de la surprise et du détournement non sans égratigner la société contemporaine et la «sacralisation» de la création… Comme dans l’emblématique Découverte de la peinture représentée par un homme bedonnant, balai à la main, s’extasiant devant le petit morceau de ciel que dégage une femme épanouie d'un coin de papier peint sombre !


 Zoé Blumenfeld
16.02.2002