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Expositions

Sotho / Ndebele, Cape, seconde
moitié du 19e siècle, peau de mouton,
tendons, boutons de nacre, perles de
verre. Coll. particulière © RMN


Basotho, Poterie sekoana,
première moitié du 20e siècle,
The South African Museum,
Cape Town © RMN


Des Bushmen à la chute de l'apartheid

Pour ouvrir son ultime saison, le musée d'arts d'Afrique et d'Océanie se penche sur des cultures peu présentes dans ses collections, celles d'Afrique du Sud.

Pour son exposition consacrée aux arts d’Afrique du Sud, le MAAO a choisi le titre «Ubuntu», un terme poétique vernaculaire qui renvoie à la notion de partage et de respect mutuel. À ce choix correspond une présentation synthétique qui met en évidence des traits culturels communs aux différents groupes du pays. Un certain nombre de thématiques sont dégagées et illustrées par des accumulations d’objets aux fonctions identiques. Le parcours est ainsi rythmé par des assemblages impressionnants. Les cannes et les haches cérémonielles aux pommeaux sculptés soulignent le prestige et l’autorité des chefs de la communauté. Les pots à bière en céramique portant des décors polychromes ou modelés font face aux récipients à viande taillés dans le bois, rappelant la séparation des tâches artisanales entre les femmes et les hommes. Les appuis-tête aux supports géométriques ou zoomorphes rejoignent les pipes et les cuillers à priser pour souligner l’importance des relations avec les ancêtres. En effet, les premiers surélèvent la tête du dormeur pour le faire accéder au rêve et les seconds éclaircissent l’esprit du consommateur de tabac pour lui permettre d’entendre des voix. Ce choix muséographique s’avère judicieux : en composant des images marquantes, il familiarise avec ces cultures largement méconnues en Europe.

L’ensemble est d’autant plus enrichissant qu’une trame chronologique vient se greffer sur ce parcours thématique, évitant ainsi l’écueil d’une vision «traditionaliste». À l’entrée, quelques artefacts viennent rappeler l’ancienneté de l’occupation du sol, comme un fragment de peinture rupestre qui évoque les ensembles peints et gravés par les Bushmen depuis 25 000 ans. Plus loin, des gravures datant de la conquête hollandaise puis anglaise font écho à l’introduction de motifs occidentaux dans différentes créations locales : une statuette de colon assis, un livre à la main, ou une amusante céramique ventrue dont des deux pieds se terminent par des chaussures à talons, vernissées de noir ! Pour finir, une salle consacrée aux objets décoratifs souligne la complexité des phénomènes identitaires. C’est en effet pour justifier leur droit à la terre, face à une idéologie dominante ne reconnaissant par la diversité de leurs cultures, que les groupes ethno-linguistiques ont développé ces marqueurs sociaux que sont les vêtements et les parures, ornés de motifs géométriques en coquille, en perles de verre ou en boutons de nacre.


 Zoé Blumenfeld
20.02.2002