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Expositions

Wim Delvoye, August, 2000-2001
Verre, métal, radiographies, plomb
244 x 144 cm
Courtesy Galerie Nathalie Obadia

Wim Delvoye, inventeur baroque et excentrique

La galerie Nathalie Obadia expose les derniers travaux de l’artiste belge et reconstitue dans ses murs une chapelle ornée de vitraux surprenants. Quand la pornographie devient poésie.

Célèbre auteur de Cloaca, «la machine à fabriquer de la merde», Wim Delvoye est fasciné par les techniques, et par les relations qu'entretiennent l'art et la science. Ainsi, Cloaca reconstituait-t-elle le processus digestif, de l'ingestion de la nourriture à sa transformation en matière fécale, dans le respect scrupuleux des lois scientifiques. Les sucs gastriques et autres composants organiques avaient été préalablement étudiés, pour obtenir leur pendant artificiel. Autant d'étapes que Delvoye a suivi de très près, et qui semblent être l'enjeu même de son travail, car de la validité scientifique de la machine dépend la réussite de l'œuvre. Il ne se voit pas différent d'un Léonard, figure archétypale de l'artiste qui, quelques siècles auparavant, menait toutes sortes d'expérimentations dans le champ des sciences. De 1995 à 1997, il relève un autre défi technique et entreprend de tatouer des cochons, exercice périlleux selon ses dires, en raison de la fragilité cardiaque de ces animaux. L'acte constitue l'œuvre, au même titre que le dessin de l'encre sur la peau. Cet écart entre la forme d'expression et son support est un trait récurrent chez Delvoye. La science n'est plus de métal mais en faïence de Delft, le but de foot oublie le filet de nylon pour devenir cage de verre ornée d'un vitrail religieux en son centre (St Stephen, 1990) et la pelleteuse se pare de décors sculptés dans le style gothique. Les techniques artistiques les plus traditionnelles telles que la céramique, le vitrail ou la sculpture sur bois sont appliquées aux objets les plus triviaux. Delvoye se situe alors à contre-courant du mouvement contemporain consistant à dénier les traditions artistiques. À contrario du ready-made, il prélève ces objets du quotidien pour aussitôt transformer leur apparence. Ce n'est pas le geste qui est chez lui créateur mais le travail fait sur l'objet, sa dénaturation par l'art dans sa forme la plus traditionnelle. Il y a de l'ironie et de la provocation dans la démarche de celui qui se love dans les valeurs aujourd'hui largement contestées de la belle manière et de l'importance de l'intervention dans la réalisation de l'œuvre, de la main de l'artiste.

Dans ce nouvel ensemble exposé à la galerie Nathalie Obadia, Wim Delvoye fait à nouveau appel à la technique du vitrail qu'il associe à l'image radiographique, faisant cohabiter mondes artistique et scientifiques. L'artiste investit un type de représentation qui, dans les années 1920, fascinait un Moholy-Nagy, passionné par les potentialités expressives d'un cliché qui inverse le positif et le négatif et donne à voir l'invisible. Mais Delvoye va plus loin que la confrontation art-science et dans cette même pratique de l'écart, évoquée plus haut, met en regard une technique traditionnellement dévolue à l'art religieux, le vitrail, et une imagerie pornographique. Le résultat est étonnant d'harmonie et de cohérence. Delvoye a su manier avec habileté son motif et l'intégrer aux éléments de composition d'un vitrail, rosace, lobes tripartites, bordures ornementales, etc. Eléments organiques et figures purement géométriques se mêlent, la chair mise à nu est dématérialisée, l'acte sexuel représenté devient abstrait et acquiert une dimension que l'artiste veut spirituelle. Et la pornographie entre au couvent.


 Raphaëlle Stopin
25.02.2002