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Pierre-Louis De la Rive et le paysage à l’âge néoclassique

Parallèlement à l'exposition du musée Rath, Patrick-André Guerretta publie la première monographie consacrée au paysagiste genevois.

«Pierre-Louis De la Rive ou la belle nature. Vie et œuvre peint» est la première monographie consacrée au paysagiste néoclassique suisse. Pourquoi si tard ? L’artiste n’est pourtant pas méconnu comme l’explique l'auteur, Patrick-André Guerretta. «De la Rive fait partie du patrimoine genevois. Il en incarne l’esprit contemplatif et la fascination pour la nature, dans la lignée de Rousseau qui fut l’un de ses contemporains ou de Saussure dont il suivit l’enseignement de philosophie naturelle». En fait, la raison de cet «oubli» est double. Il s’explique d’abord par la répartition de ces œuvres. 80% d’entre elles sont en effet entre les mains de collectionneurs privés issus des grandes familles aristocratiques de Genève ou de Berne, même si les liens de parenté les ont progressivement emportées jusqu’en Écosse ou en Russie. Il est également lié à la célébrité «provinciale» de De la Rive, phénomène somme toute assez curieux quand on songe que le peintre a beaucoup voyagé et côtoyé de grands noms du néoclassicisme : David à Paris, Canova à Rome et Casanova, le frère de l'aventurier, qui était un proche de Mengs et Winckelmann, à Dresde.

Pour constituer cette monographie, Patrick-André Guerretta a mené des recherches exhaustives. «Je suis parti des œuvres conservées au Musée d’art et d’histoire de Genève - 18 tableaux et 124 dessins - et de celles réunies par des collectionneurs privés que connaissait le conservateur de l’époque, Renée Loche. Il y a eu un véritable effet «boule de neige». En menant un travail de limier, j’ai retrouvé la trace des 249 tableaux achevés qui figurent dans le Livre de Vérité, celle d’une trentaine d’autres, inachevés, et de plusieurs centaines de feuilles, les grands tableaux dessinés au lavis de sépia». De même, la documentation s’est avérée foisonnante. «J’ai la chance d’avoir travaillé sur un artiste qui a laissé un Livre de Vérité, un catalogue autographe de ses œuvres achevées qu’il a tenu entre 1779, date de son retour de Dresde, et 1816. Ce livre couvre sa période de pleine activité en réunissant la description des peintures, leur taille, leur prix ainsi que le nom de la personne à laquelle elles ont été vendues. De plus, j’ai retrouvé une très importante correspondance, comme l’ensemble des lettres échangées avec Pierre-Michel Hennin, le résident de France à Genève».

L’étude de ces œuvres et de ces documents est riche à bien des égards. Elle replonge dans une période clé de l’histoire de la peinture de paysage, entre les années 1750, marquées par le succès des compositions idylliques de Fragonard ou Gainsborough, et 1817, l’année de la consécration du genre avec la remise du premier prix de Rome du paysage à Etna Michallon. Elle révèle l’originalité du contexte suisse à la fin du 18e siècle, une époque où les artistes portaient aux nues la tradition hollandaise pour sa rigueur et son austérité au détriment du modèle italien, «moralement corrompu». Elle permet enfin de découvrir le rôle fondateur de De la Rive pour l’école genevoise du paysage. Avec la fameuse Vue du Mont Blanc de 1802, il délaisse en effet les paysages idéalisés au profit des vues alpestres, caractérisées par leurs détails topographiques et météorologiques, posant ainsi les bases d’une tradition prolongée par Töpffer, François Diday ou Alexandre Calame, à la génération suivante.


 Zoé Blumenfeld
26.02.2002