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Expositions

Poliakoff, la religion de la couleur

Aude Cordonnier, conservateur au musée des Beaux-Arts de Dunkerque, replace la rétrospective Poliakoff dans le cadre d’une nouvelle politique.


Serge Poliakoff, Composition,
1967, Mallevaey
© ADAGP
Cette exposition joue-t-elle un rôle particulier dans la politique du musée ?
Aude Cordonnier, conservateur.
Il s’agit de la première rétrospective de Serge Poliakoff au musée des Beaux-Arts de Dunkerque. Nous possédons une importante collection d’œuvres des années 1950-60 et 70 dont la Composition(1968) de l’artiste russe. Depuis 1998, le musée est fermé et depuis 1995, la collection permanente n’est pas présentée au public. Cette exposition entre donc dans notre perspective de réhabiliter certains mouvements picturaux comme la Figuration narrative, Cobra ou le Nouveau Réalisme. Un partenariat avec l’école des beaux-arts et le Frac sera l’un des points forts de la politique d’exposition du musée des Beaux-Arts en 2003. La présentation de l’œuvre in situ de l’artiste contemporain Stéphane Calais inaugure cette collaboration. D'autre part, le parcours de l’exposition préfigure le futur musée-bibliothèque, prévu pour 2008. Ainsi, des citations de l’artiste rythment les différentes sections de l’exposition et participent à notre volonté de valoriser les résonances entre l’art et l’écriture. Conçue par Expressions Contemporaines, l’exposition Poliakoff ouvre la voie à une nouvelle politique d’exposition.

Comment est organisée l’exposition ?
Aude Cordonnier.
La présentation à Dunkerque a bénéficié d’un espace facilement modulable et parfaitement adapté aux toiles de grandes dimensions de l’artiste. Le parcours s’est imposé de lui-même, laissant les œuvres au cœur de la lecture. Un parti pris chronologique a été choisi afin de mettre en évidence les recherches du peintre. Sur un mur, nous avons fait le choix d’exposer les essais de l’artiste, toiles inachevées dans lesquelles sont perceptibles les influences de Cézanne, Delaunay, Fautrier ou Paul Klee. De sa première toile, Danse russe (1936), à sa Composition inachevée (1969), toute l’évolution stylistique de l’artiste est évoquée. Les œuvres présentées appartiennent, pour la plupart, à la famille de l’artiste. Il faut cependant ajouter des prêts de collections particulières (3), de musées régionaux (2), de musées belges (2), de musées allemands (2) auxquels il convient d’associer l’apport des musées de Colmar et de Nantes. Environ 70 peintures et dessins sont regroupés à cette occasion.


Serge Poliakoff, Forme, 1968
Expressions contemporaines
© ADAGP
Comment qualifier le style de l’artiste ?
Aude Cordonnier.
Ses premières œuvres sont construites à partir de lignes, suivant un schéma récurrent. On ne perçoit encore aucune structuration par la couleur. Peu à peu, ce schéma devient sous-jacent et les masses colorées occupent l’espace principal de la toile. L’artiste semble opérer par glissements de couleurs sous la surface. On peut parler de rencontre entre ces différentes teintes riches en transparence. Dans un premier temps, les formes investissent la totalité de l’espace puis elles se resserrent sur elles-même comme découpées aux ciseaux. À partir de 1968, la couleur devient presque pure. La quête de la matière, de la lumière et de la couleur reste l’aspect le plus important de son œuvre. Parmi les toiles les plus révélatrices de cette recherche, Polyptyque peut être comparé à une iconostase au même titre que la Composition rouge-orange et vert du musée de Colmar. Quelques dessins de l’artiste participent à l’exposition au même titre que cet ensemble de porcelaines de Sèvres commandé par Georges Pompidou entre 1968 et 1969. Poliakoff a su créer un style personnel qui ne permet pas de descendance directe. Cette peinture très spirituelle doit être perçue dans le silence. Il appartient à la lignée des peintres de la lumière comme Giotto, Greco ou Vermeer.


 Stéphanie Magalhaes
08.04.2002