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Patrimoine

Le patrimoine afghan au cœur d'une nouvelle polémique

À qui confier les objets pillés et parfois retrouvés du musée de Kaboul?

PARIS, 26 fév (AFP) - Un début de polémique se lève sur l'absence de politique concernant les objets d'art afghans pillés au musée de Kaboul ou provenant de fouilles illicites, alors même que certains de leurs nouveaux propriétaires tentent de les restituer. Deux exemples illustrent le sort de ces objets en déshérence, d'autant plus crucial que 70% du musée de Kaboul et la totalité des sites archéologiques ont été pillés au cours des vingt dernières années, selon Osmund Bopearachchi, directeur de recherche au CNRS et archéologue. D'une part, l'exposition "Afghanistan, une histoire millénaire", qui s'ouvre vendredi au musée des Arts asiatiques Guimet à Paris, présente les quelque 70 objets retrouvés qui lui ont été confiés par l'ONG "SPACH". "Notre souhait le plus grand, déclare Jean-François Jarrige, directeur de Guimet, est que ces objets retrouvent, dès que la situation sera stabilisée, leur pays d'origine. En attendant, il est du devoir des grandes institutions comme les musées de les faire connaître". D'autre part, la création récente, avec le soutien de l'UNESCO, du "Musée de l'Afghanistan en exil" à Bubendorf, près de Bâle, par un architecte suisse, Paul Bucherer-Dietschi, intrigue certains. En fait, il s'agit d'un hangar non sécurisé, où sont réunis une quantité de livres, photographies, bijoux, peintures, intruments de musique et autres tapis de prière afghans.

Interrogé par l'AFP sur la sécurité des chefs d'oeuvres que l'architecte dit posséder, "dont certains provenant du musée de Kaboul", M. Bucherer-Dietschi répond: "les objets précieux sont au coffre, dans une banque. Combien y en a-t-il? Un certain nombre". L'UNESCO, par la voix de Christian Manhart, spécialiste de programmes en charge de l'Asie, n'est guère plus disert. "Nous avons un petit contrat avec M. Bucherer-Dietschi pour qu'il trouve des objets exportés illicitement d'Afghanistan et achetés par des collectionneurs suisses. Il a effectivement retrouvé des objets et les garde en sûreté à la banque". Pourquoi ces objets d'art n'ont-ils pas été confiés à une grande institution publique, plutôt qu'au coffre privé d'un amateur? M. Manhart répond avoir fait une proposition au musée Guimet, ce que dément Jean-François Jarrige. "En revanche, nous lui avons signalé à quel point il était curieux de déposer des oeuvres d'art en Suisse, quand on sait que ce pays n'a pas ratifié la Convention de l'UNESCO de 1975 qui oblige, en cas de vol, la restitution par les musées d'oeuvres de provenance douteuse". "Il faut que l'UNESCO adopte une politique claire concernant les objets volés du musée de Kaboul, achetés volontairement ou involontairement par des musées étrangers ou des collectionneurs privés, insiste Osmund Bopearachchi. "Plusieurs collectionneurs qui ont acheté des objets volés du musée de Kaboul sans le savoir ont manifesté leur volonté de les rendre à l'UNESCO. Un Pakistanais qui avait acquis 14 pièces d'un trésor exhumé en 1933 a admis son erreur involontaire et les a léguées à l'UNESCO. Un Japonais m'a demandé d'examiner sur photos des monnaies de sa collection pour savoir si certaines ne provenaient pas du musée de Kaboul. C'était le cas pour deux de ses pièces. Il a décidé de les rendre à l'UNESCO". "Le problème est que l'UNESCO n'a jamais fait quoi que ce soit pour faire venir ces monnaies, qui se trouvent toujours chez les collectionneurs", souligne-t-il. "Elle aurait pu aussi faire pression pour récupérer les ivoires de Bégram, qui se trouvent dans des collections privées pakistanaises bien connues, mais elle ne l'a pas fait".

Par Annick BENOIST

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27.02.2002