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Recherche Michel-Ange désespérément…

Après la transaction annoncée vendredi – l’achat d’un croquis d’architecture par une fondation bancaire italienne pour le musée Palladio de Vicence - il n’existe théoriquement plus de dessins de Michel-Ange sur le marché.


Michel-Ange, Projet d'un arc de
triomphe
, vers 1510, crayon rouge,
© CISA Andrea Palladio
Comment peut-on être certain que le dessin de Michel-Ange qui entre dans vos collections est le dernier en mains privées ?
Guido Beltramini, directeur du Centro Internazionale Studi di Architettura Andrea Palladio.
On ne peut jamais l’être vraiment et l’on s’en est encore aperçu l’an passé lorsqu’une Femme voilée provenant de Castle Howard, inconnue jusqu’alors, a été vendue aux enchères pour plus de 6 millions £. Cependant, Michel-Ange est très étudié depuis deux siècles et son corpus, sauf exception comme celle que je viens de mentionner, est très bien connu. Nous nous basons sur le catalogue raisonné des dessins établi par l’historien d’art hongrois Charles Tolnay. Achevé en 1980, il recense 634 dessins. De ceux-ci, environ 80 sont des dessins d’architecture. Notre dessin est le numéro 630 et provient d’une collection anglaise.


Michel-Ange, le verso du dessin,
vers 1510, crayon rouge,
© CISA Andrea Palladio
Quel est l’intérêt du dessin qui entre dans vos collections ?
Guido Beltramini.
Celui qui nous est aujourd’hui confié en dépôt par la fondation de la Caisse d’Epargne de Vérone, Vicence, Belluno et Ancône, qui l’a acheté, est l’un des plus fascinants. Il synthétise la réunion des trois ingrédients essentiels : un architecte, un problème, une feuille blanche… On avait demandé à Michel-Ange de concevoir un arc triomphal pour l’entrée du pape à Florence. Il a d’abord couché sur le papier une version, avec trois arcades. Puis il l’a modifiée mais au lieu de prendre un autre feuillet, comme aurait pu le faire Palladio, il a effectué les modifications sur le dessin initial, comme un sculpteur qui remodèle un bloc d’argile ou qui retravaille la cire. Il a renforcé ses traits rouges. Son dessin intègre la troisième dimension, le temps…

Le dessin était une pratique essentielle pour Michel-Ange.
Guido Beltramini.
Oui, et Michel-Ange faisait un usage intensif du papier. A côté du dessin principal, il dessinait encore, sur les côtés, dans les coins, au verso. Michel-Ange n’était pas comme Palladio, qui réfléchissait d’abord puis transcrivait sa pensée en dessin. Chez Michel-Ange, c’est en dessinant que le projet prend forme. On conserve même des dessins faits sur des reçus de paiement ou sur un livre de comptes d’un aïeul ! Cependant, en général, ses dessins étaient faits sur du papier à base de coton, provenant de fabriques florentines. Un savant français du 18e siècle, Charles Briquet, a étudié les filigranes de tous les moulins à papier italiens et les a cataloguées, ce qui nous est fort utile aujourd’hui.

Le CISA va se doubler d’un musée Palladio.
Guido Beltramini.
Le CISA (Centre International d’Etudes sur l’Architecture) a été créé il y a près de cinquante ans, en 1958 comme centre de recherche sur l’architecture. Au début, nous étions bien sûr très liés à Palladio mais nous avons élargi nos centres d’intérêt. Parmi nos présidents, André Chastel l’a été pendant douze ans. Nous organisons des séminaires, des cours, etc. Nous possédons une belle bibliothèque, qui a notamment été enrichie par un don de Jean-Charles Moreux. Nous avons mis sur pied plusieurs expositions et travaillons maintenant à la constitution du musée Palladio. Le problème avec un musée de l’architecture, c’est qu’il ne peut pas posséder ce qu’il étudie ! Nous avons cependant un trésor avec une série de 33 dessins de Palladio. Tout le reste, ou presque, de ses dessins de Palladio, est dans les collections anglaises, ayant été vendu en 1614 par Vincenzo Scamozzi à l’architecte Inigo Jones. Il est possible que nous accueillions les archives de Carlo Scarpa, l’un des plus grands architectes italiens du 20e siècle, qui est un peu un descendant de Michel-Ange en ce sens que le dessin est pour lui à l’origine de tout projet. Elles ont été récemment acquises par l’Etat, qui doit maintenant décider où elles seront conservées. Mais notre prochain objectif est une exposition de dessins de Michel-Ange, qui inclura bien sûr le nôtre, au printemps.


 Rafael Pic
04.03.2002